Une crise révélatrice de l’état de la pédiatrie

La bronchiolite, bis repetita ?

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Publié le 02/12/2022
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L’épidémie de bronchiolite de l’hiver 2022-2023 restera dans les mémoires comme une période particulièrement compliquée pour les jeunes enfants, leurs familles et les soignants. Elle a servi de révélateur, une fois de plus, à l’état de santé très dégradé de la pédiatrie dans notre pays, dénonce la présidente de la Société française de pédiatrie.
Il faudrait former deux fois plus de pédiatres pour maintenir un nombre équivalent les prochaines années

Il faudrait former deux fois plus de pédiatres pour maintenir un nombre équivalent les prochaines années

Cette année, l’épidémie de bronchiolite un peu précoce s’est caractérisée par la vitesse de dissémination du virus qui a conduit, en quelques semaines, des centaines de familles à consulter. « Cet afflux massif dans les consultations a été impossible à absorber dans le système libéral, très vite saturé. Conséquence : les soignants, déjà en nombre insuffisant dans les services d’urgence pédiatrique, ont été amenés à gérer à la fois de jeunes patients ne trouvant pas de consultation en ville et d’autres, en attente d’une hospitalisation mais pour lesquels aucune place n’était disponible, dénonce la Pr Christèle Gras Le Guen (CHU Nantes). Cette situation, qui n’aurait pas dû se produire si le système de santé n’était pas à ce point dégradé, a contribué à faire vivre un enfer aux enfants, aux familles et aux soignants»

Des services sous dotés et un manque de lits

Outre le fait que les services d’urgences pédiatriques sont déjà historiquement sous-dotés en moyens matériels et humains, le deuxième problème mis en exergue par cette épidémie 2022-2023 est le manque cruel de lits d’hospitalisation en pédiatrie générale et en soins critiques.

Cela s’est traduit par des attentes parfois supérieures à douze heures, en service d’urgence, pour une place en réanimation. Des transferts ont même dû être réalisés, parfois à des centaines de kilomètres, ce qui n’a rien d’anodin. « Il y a trop longtemps que la santé de l’enfant n’est pas prise en compte à la hauteur des besoins. Les professionnels de la santé lancent à nouveau un cri d’alerte : le cœur du problème n’est pas cette épidémie de bronchiolite, que les professionnels de santé savent parfaitement prendre en charge. Le problème, c’est bien l’état de la pédiatrie en France, qui ne permet pas cette prise en charge optimale », insiste la Pr Gras-Le Guen.

Des mesures ministérielles ont bien été récemment annoncées (mais qui ne sont pas encore effectives). Cependant, pour la présidente de la Société française de pédiatrie, elles sont très insuffisantes : les sommes promises ne permettront pas de régler le problème de fond, au regard de la pénibilité des permanences de soins et en soutien des équipes. C’est pourquoi des Assises de la santé de l’enfant doivent être organisées au printemps, afin de revoir les dysfonctionnements évoqués dans leur globalité et y travailler avec tous les acteurs de la santé de l’enfant.

L’offre de soin en médecine libérale, très insuffisante, est également concernée. Il y a urgence à augmenter le nombre de pédiatres formés. Les jeunes médecins ne veulent plus exercer dans les mêmes conditions que leurs aînés, en étant corvéables à merci. On compte environ 7 000 pédiatres en France, et la moitié des pédiatres libéraux a plus de soixante ans ! Environ 350 pédiatres arrivent au terme de leur formation chaque année et il en faudrait au moins le double, ne serait-ce que pour maintenir un nombre de pédiatres équivalents. Les prochaines années s’annoncent donc encore plus compliquées, d’autant qu’il faut une dizaine d’années pour former un pédiatre. « Il est grand temps que les pouvoirs publics entendent qu’un plan d’envergure est nécessaire si l’on ne veut pas revivre de prochaines crises d’une telle ampleur », insiste la Pr Gras-Le Guen.

Exergue : « Cette situation n’aurait pas dû se produire »

Entretien avec la Pr Christèle Gras Le Guen (Nantes)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste