Comportement et développement de l’enfant

L’impact du virtuel

Publié le 26/09/2012
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Crédit photo : PHANIE

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Crédit photo : Phanie

LA DÉPENDANCE oromaternelle est la première addiction, c’est la fusion légitime, explique le Dr Michel Bru. Vient ensuite le temps de la sucette et du « doudou ». Mais, un phénomène nouveau a surgi depuis déjà quelques années dans la vie des jeunes enfants : l’écran d’ordinateur. Certes, il y avait la télévision et les dessins animés devant lesquels trop de jeunes enfants et même de nourrissons passent parfois des heures, mais maintenant au petit écran s’est ajouté l’ordinateur… Très vite, une addiction à l’image s’installe, note le Dr Bru. Ainsi, avant même l’entrée à la maternelle, le très jeune enfant fait son entrée dans le virtuel, un virtuel susceptible de créer une première dissociation parents-enfant, estime-t-il. L’enfant apprend les interactions avec l’écran qui fait office ou qui devient même une tétine… Au lieu d’écouter une histoire lue par l’un de ses parents, il est livré à lui-même devant la télévision. Le temps de contact entre l’enfant et ses parents se réduit. Et les interactions nécessaires au développement psychoaffectif de l’enfant se raréfient.

De l’hyperstimulation à l’hyperactivité.

Arrivé en maternelle, on déconnecte l’enfant de l’image, cette rupture peut entraîner des troubles du comportement, en particulier une hyperactivité.

Quand on éteint l’écran, l’enfant ne supporte pas le manque, il cherche de nouveaux supports. Il ne tient pas en place. Se met en route une cascade d’interventions qui peuvent en elles-mêmes créer de nouveaux problèmes. « L’enfant hyperactif devient alors otage de l’éducation orthophonique, de la prise en charge psychologique, voire des médicaments… »

C’est au collège que s’observe la troisième addiction, celle de l’informatique et du portable. L’enfant passe des heures devant son écran, avec des jeux vidéos souvent violents ; il n’arrive plus à travailler. Les conflits avec les parents se multiplient. On assiste à un véritable conflit d’influence entre le parental éducatif ou qui ne l’est plus et le monde de l’information tout confondu. « C’est la deuxième dissociation familiale » explique le Dr Bru, et la première dissociation scolaire… L’enfant a du mal à entrer dans le réel et garde du plaisir à rester dans le virtuel. Sa propre pensée ne se développe pas, il en est empêché par toutes les stimulations qu’il reçoit et qui entrave ses capacités à créer, à inventer.

Le risque de la violence…

Troisième scolarité : le lycée. « L’enfant "se dépend", mais peut-il se construire ou se défendre ? » interroge le Dr Bru. Avec sa structure externe virtuelle, il a des difficultés à se projeter dans le réel. Il panique, « ça ne marche plus ni à l’école, ni au sport ». L’agressivité succède à l’hyperactivité. « La violence est existentialiste parce que l’enfant existe à travers des écrans, donc du virtuel. Il cherche sa propre vie réelle. » Quand on lui demande de faire un projet personnel, il est perdu, il ne sait pas… À l’inverse il peut se replier sur lui-même, dépendant des jeux. Un retrait qui peut aboutir à l’absentéisme scolaire.

Les parents sont de plus en plus inquiets, ils commencent à se poser des questions sur la santé psychologique de leur enfant

… et de l’addiction chimique.

Vient ensuite la phase de rupture avec une éventuelle quatrième addiction, c’est en effet à ce moment-là que l’adolescent est exposé au risque de passage à l’addiction chimique : tabac, alcool, drogue…

La rupture peut associer démotivation, voire désorientation et démobilisation (familiale, scolaire, sportive). Faute de structuration, il n’a pas ou peu de défense. À la souffrance s’ajoute un syndrome « dépression-violence » et la porte ouverte sur la maladie et/ou la délinquance ?

Ainsi l’astructuration de l’enfant induite par une exposition répétée et prolongée aux écrans peut aboutir à la dépression de l’adolescent, explique le Dr Bru. La prévention passe donc notamment par l’information des parents, qui doivent éviter ou tout du moins limiter au maximum le temps passé par les très jeunes enfants devant la télévision et les écrans d’ordinateur et par la suite encadrer les jeux vidéos…

D’après la communication du Dr Michel Bru, Montpellier, dans le cadre du Forum sur la dépression organisé par « Le Quotidien du Médecin » avec le soutien institutionnel des laboratoires Lündbeck.

 Dr MARINE JORAS

Source : Le Quotidien du Médecin: 9164