L'Académie de médecine exprime des réserves

Seule « la qualité de la survie » justifie la thérapie foetale

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Publié le 26/05/2016
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CHIR FOETUS

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Crédit photo : PHANIE

foetus

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Dans un rapport sur la thérapie fœtale, l'Académie souligne le fait que la « thérapie fœtale ne vise pas la survie à tout prix ». « C'est la qualité de cette survie qui justifie seule son utilité et son efficacité », ajoute-t-elle. Si la thérapie fœtale est une alternative à l'interruption de grossesse pour raison médicale, « Un mauvais pronostic n'autorise pas à proposer n'importe quoi et par n'importe qui ».

Pour l'Académie, seules sont concernées par la thérapeutique fœtale les anomalies présentant « un risque d'aggravation irréversible pendant la vie intra-utérine, ou de séquelles graves et irrémédiables à la naissance ». Elle rappelle que « l'innovation technique exige une approche professionnelle et éthique spécifique » et « qu'il est important de ne pas confondre intérêt thérapeutique et intérêt scientifique ». L'accompagnement et le soutien psychologique doivent être assurés dans tous les cas, qu'il y ait intervention thérapeutique ou pas. L'Académie évoque d'ailleurs le droit à l'interruption médicale de grossesse et plaide également pour le développement des soins palliatifs néonatals.

Validation scientifique ou par la pratique

Le niveau de preuves est très variable en thérapie fœtale. L'efficacité est démontrée pour certaines d'entre elles : la prévention du syndrome de détresse respiratoire aiguë du prématuré (administration de bêtaméthasone en cas de menace d'accouchement prématuré), le traitement de l'anémie fœtale par transfusion in utero, le traitement chirurgical du syndrome transfuseur-transfusé.

D'autres thérapeutiques sont encore en cours d'évaluation comme la prévention de l'hypoplasie pulmonaire dans la hernie diaphragmatique congénitale (doublement des taux de survie des formes les plus sévères), la dilatation de la valve aortique dans les sténoses aortiques critiques, ou encore le traitement de l'infection fœtale symptomatique à cytomégalovirus (valaciclovir).

Malgré un faible niveau de preuves, certaines ont été consacrées par l'usage, explique l'Académie : dysthyroïdies fœtales dans la maladie de Basedow maternelle, traitement de l'infection fœtale par le toxoplasme, troubles de la conduction auriculo-ventriculaire fœtale chez les femmes enceintes porteuses d'anticorps anti-SSA ou SSB ou encore prévention de la virilisation dans l'hyperplasie congénitale des surrénales.

« D'extrêmes réserves » pour la chirurgie de spina bifida

Malgré l'efficacité de la cure de myéloméningocèle (spina bifida), l'Académie s'inscrit en faux contre cette pratique, dont elle estime le bénéfice « modeste ». Ce type d'intervention a été réalisé pour la première fois en France en 2014 à l'hôpital Trousseau (AP-HP). Alors que la cure de spina bifida est la dernière chirurgie réalisée à utérus ouvert, l'Académie souligne que « les risques de la chirurgie à utérus ouvert sont potentiellement plus graves non seulement pour la grossesse en cours mais aussi pour les grossesses ultérieures en raison de la cicatrice utérine corporéale favorisant les ruptures utérines et le placenta accreta ». Ajoutant que l'acceptabilité « reste très faible », l'Académie dit attendre les avancées de la chirurgie endoscopique et tient à exprimer « ses plus extrêmes réserves », au même titre que l'utilisation de la thérapie embryonnaire.

L'Académie recommande une approche multidisciplinaire des thérapeutiques fœtales « dans des centres référents hyperspécialisés », et notamment de créer des centres référents en chirurgie fœtale adossés aux centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN), « au même titre que les autres spécialités ». L'innovation appelle « des développements prometteurs mais incertains », estime-t-elle, « qui doivent faire l'objet d'une vigilance sans faille ». L'Académie souhaite que ces nouvelles techniques soient soumises à validation dans les centres dédiés. 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9499