Un surrisque de mortalité pour les stades sévères

Un enfant sur 4 en réa a une insuffisance rénale aiguë

Par
Publié le 21/11/2016
Article réservé aux abonnés
rea

rea
Crédit photo : PHANIE

C'est la première grande étude sur l'insuffisance rénale aiguë (IRA) en réanimation publiée chez l'enfant. L'étude AWARE publiée en ligne dans le « New England Journal of Medicine » livre des enseignements très instructifs, alors que se déroule le congrès 2016 de la société américaine de Néphrologie à Chicago.

Près d'un enfant sur quatre hospitalisés en réanimation développe une IRA, selon cette étude menée avec le soutien des Instituts nationaux de la santé (NIH) américains chez 4 683 enfants dans 32 unités de soins intensifs pédiatriques dans 9 pays d'Asie, d'Australie, d'Europe et d'Amérique du Nord. Mais ce n'est pas l'élément le plus novateur de l'étude.

Créatinine et diurèse, deux paramètres nécessaires

Comme l'explique le Pr Stéphane Dauger, chef de service de réanimation pédiatrique à l'hôpital Robert Debré et président du Groupe francophone de réanimation et d'urgences pédiatriques (GFRUP) : « L'IRA est fréquente chez l'enfant à l'entrée en réanimation. L'étude le quantifie, ce qui est intéressant. Mais c'est surtout la première fois qu'une étude montre que l'IRA est un facteur surajouté de gravité. » Dans l'étude AWARE, une IRA aux stades 2 et 3 de la classification KDIGOC (Kidney Disease : Improving Global Outcomes), dans les 7 premiers jours d'hospitalisation en réa, était associée à une mortalité à 28 jours augmentée.

Cette étude prospective a réalisé l'inclusion sur 3 mois consécutifs en 2014 d'enfants âgés de 3 mois à 25 ans, dont la durée de séjour prévisible en réa pédiatrique était au minimum de 48 heures. Une IRA est survenue chez 1261 des 4683 enfants participants (26,9 %) et une IRA sévère (stades 2 et 3 KDIGOC) chez 543 enfants (11,6 %). Un total de 60 enfants sur les 543 (11,0 %) ayant une IRA sont décédés par rapport à 105 des 4140 enfants sans IRA (2,5 %).

L'étude a fait le choix des critères KDIGOC pour définir l'IRA, une classification reconnue reposant à la fois sur le taux de créatinine et sur la diurèse. « La définition de l'IRA a fait l'objet de beaucoup de discussions ces dernières années, explique le Pr Dauger. Le sujet intéresse beaucoup ». Les stades 2 et 3 correspondent à un taux de créatinine au moins doublé et à une diurèse à < 0,5 ml/kg/heure pendant ≥12 heures.

Dialyser ou pas ?

Les auteurs soulignent que l'utilisation de la créatinine seule passe à côté de deux tiers des enfants, diagnostiqués sur l'oligurie. Selon l'équipe coordonnée par le Dr Stuart Goldstein, de l'hôpital pédiatrique Cincinnati, cela ne serait pas fait systématiquement. Le Pr Dauger se veut rassurant : « Ce n'est pas une problématique française. Tous les réanimateurs en France surveillent les enfants avec ces deux paramètres ».

La question qui se pose est de savoir s'il faut intervenir et comment. « Il existe deux pics d'IRA chez l'enfant, chez les tout-petits avant 2 ans, en particulier en néonatalogie, et les plus grands après 13-14 ans, explique le réanimateur français. Si l'IRA est fréquente chez l'enfant, elle se corrige le plus souvent très vite, à l'inverse de ce qui est observé chez l'adulte. Les premières mesures suffisent souvent : réhydrater mais tout en évitant une surcharge volémique, éviter les médicaments néphrotoxiques. Une épuration extra-rénale (EER) est possible mais la balance bénéfices/risques doit être bien soupesée, en particulier chez les tout-petits. »

Une étude multicentrique francophone (EPURE) coordonnée par l'équipe de l'hôpital de Pontchaillou (CHU de Rennes) et menée chez plus de 600 enfants âgés de 0 à 18 ans en France, Suisse, Belgique et Québec, actuellement terminée et en cours d'analyse, devrait apporter très prochainement des éléments de réponse.

« La survenue fréquente et précoce de l'IRA renforce le besoin d'une surveillance systématique dès l'admission en soins intensifs, conclut Stuart Goldstein. L'IRA sévère était associée à un recours augmenté à la ventilation mécanique pour l'assistance respiratoire, et à un support rénal (dialyse). Alors que les enfants survivants à une IRA sont à risque de développer une insuffisance rénale chronique, un suivi à long terme des survivants est justifié. »

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9536