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Dossier

Congrès européen de pneumologie

BPCO, la faute à l’asthme ?

Publié le 12/10/2018
BPCO, la faute à l’asthme ?

Asthme enfant
Roman_23203 / Adobe stock

Certes, le tabac est largement incriminé dans la survenue d’une BPCO et le sevrage des patients reste une priorité. Mais les connaissances accrues sur les phénotypes d’asthme conduisent à la piste d’un continuum entre les deux pathologies, comme l’ont souligné plusieurs spécialistes lors du Congrès européen de pneumologie.

 A l’occasion d’une session francophone du congrès de l’European Respiratory Society (Paris, 15-19 septembre) les Prs Joceline Just (pédiatre allergologue, hôpital Trousseau, Paris) et Chantal Raherison-Semjen (pneumologue, CHU Bordeaux) ont présenté les résultats d’études de cohorte sur le devenir pulmonaire d’enfants, depuis la vie intra-utero jusqu’à un âge avancé.

« Ce qui reste constant, quel que soit l’endroit du globe, est que le lieu de vie avant l’âge de cinq ans est déterminant », a affirmé le Dr Raherison-Semjen qui a rappelé les résultats de la cohorte européenne démarrée dans les années 1990, ayant inclus des adultes âgés de 20 à 44 ans et dont 9 % avaient vécu dans une ferme avant l’âge de cinq ans, 63,9 % en milieu rural et 27 % en milieu urbain. Cette étude relie le fait de vivre à la ferme dans la petite enfance à un effet protecteur sur les indicateurs étudiés (rhinite, asthme, hyper-réactivité bronchique et fonction respiratoire). Un bénéfice encore présent mais moindre pour les personnes ayant vécu en milieu rural en dehors d’une exploitation agricole et même chez les citadins ayant un « score de biodiversité » élevé.

Trois facteurs précoces déterminants

Si la vie à la ferme est un facteur protecteur dans l’enfance, on a aujourd’hui également bien identifié les facteurs de risque. Toutes les études de cohorte montrent que les enfants à risque de développer un asthme grave persistant à l’âge adulte sont ceux ayant eu des épisodes de cette pathologie dans l’enfance, des infections respiratoires sévères avant l’âge de cinq ans, notamment à VRS, une exposition au tabagisme maternel passif et une mère ou un père asthmatique (on s’intéresse de plus en plus au rôle du père). « Quand on additionne ces facteurs, l’effet sur le déclin de la fonction ventilatoire est supérieur à celui du tabagisme actif, c’est considérable », a insisté le Dr Raherison-Semjen. Ces facteurs de risque sont associés à un trouble ventilatoire obstructif à l’âge adulte, quel que soit le statut tabagique. La présence de trois de ces facteurs serait déterminante.

Dans la cohorte de Groningen ayant suivi durant 30 ans 91 enfants hospitalisés pour asthme, le taux de rémission complète à l’âge adulte, c’est-à-dire de disparition des symptômes, des traitements, des anomalies de la fonction respiratoire et de l’hyperréactivité bronchique n’est que de 22 %. La trajectoire de la fonction respiratoire est déterminée très tôt dans la vie. Certains enfants ont un couloir bas (9 %), avec des fonctions respiratoires altérées très précocement. Quand on cherche des facteurs de risque d’altération de la fonction respiratoire, on retrouve ceux décrits précédemment : asthme maternel, infections à VRS et asthme actif chez le jeune adulte. 

Le rôle de l’allergie est aussi à considérer dans la persistance de l’asthme, « mais il faut savoir de quoi on parle », met en garde le Pr Just. En analyse multivariée des facteurs prédictifs de la persistance de l’asthme à l’âge adulte, on trouve en troisième position – après l’altération de la fonction respiratoire et l’hyper-réactivité bronchique – l’allergie aux acariens, avec un OR de 2 pour la persistance ou la récidive. Les plus mauvais pronostics sont les patients avec sensibilisation multiple et comorbidités allergiques (rhinite, dermatite, allergie alimentaire, hyperéosinophilie sanguine et au lavage brocho-alvéolaire).

« Le risque de ces asthmes qui persistent est le passage à la BPCO », a expliqué le Pr Just. Beaucoup d’épidémiologistes pensent que la BPCO à l’âge adulte prend ses origines dans l’enfance et proposent de la rebaptiser, ainsi que l’asthme, « maladies bronchiques obstructives ». Quand on voit ces enfants qui ont eu des pathologies respiratoires sérieuses se mettre à fumer à l’adolescence, on peut anticiper la survenue ultérieure d’une BPCO.

Des cohortes en population générale montrent d’ailleurs que le plus gros déclin de la fonction respiratoire se voit chez le gros fumeur ayant un asthme persistant à début précoce dans l’enfance.Celui-ci ferait donc le lit de la BPCO et le tabac seul ne suffirait pas à expliquer le déclin de la fonction respiratoire, qui requiert probablement une obstruction bronchique préalable dans l’enfance. D’où l’intérêt d’être plus interventionniste en termes de dépistage et de traitement précoce. Or « trop d’adolescents arrivent encore en consultation avec des fonctions respiratoires altérées et n’ont jamais reçu de traitement. Il faut repérer ces enfants, induire des tolérances alimentaires (car ils ont souvent des allergies graves avec risque d’anaphylaxie), mettre en route des biothérapies plus précocement. Il y a beaucoup de choses à faire pour tenter de changer de couloir et ne pas aller vers la BPCO ! », conclut le Pr Just.

De nouvelles pistes thérapeutiques

Toujours dans la BPCO, l’ERS a aussi été l’occasion de présenter les résultats de plusieurs études ouvrant la voie à des traitements inédits, comme les nouveaux bronchodilatateurs bi-fonctionnels (ou « MABA »). Ces derniers associent dans une même molécule un bronchodilatateur de longue durée d’action anticholinergique (LAMA) et un bêta 2 agoniste (LABA). Une étude de phase II, menée avec le composé AZD8871, a montré une amélioration significative et clinique du VEMS après 15 jours de traitement. Le score clinique (dyspnée, toux et crachats) a lui aussi été meilleur. Ces nouveaux bronchodilatateurs bi-fonctionnels pourraient gagner leur place dans un proche avenir, à la fois dans la BPCO mais aussi dans l’asthme.

La dénervation pourrait aussi offrir une alternative thérapeutique dans certaines BPCO, comme le suggère l’étude Airflow2. Cet essai portant sur 82 patients atteints de BPCO modérée à sévère traités par anticholinergiques a en effet montré que la dénervation par un cathéter délivrant une radiofréquence et introduit dans le fibroscope permet une baisse des évènements respiratoires – dont les exacerbations et les infections respiratoires – 3 à 6,5 mois après l’intervention (32 % contre 71 % pour les témoins). À un an, l’incidence des exacerbations modérées à sévères est elle aussi abaissée. Si le traitement a été bien toléré (12 % d’effets indésirables, principalement gastro-intestinaux), le Dr Dirk-Jan Slebos (Groningue, Pays-Bas) a précisé que les indications n’étaient pas encore définies et pourraient être précisées par l’étude Airflow3 en cours. Néanmoins, il semblerait déjà que la dénervation ne soit proposée qu’en cas de persistance des symptômes en dépit d’un traitement médical optimal.

Enfin, l’étude belge Bace remet l’azythromycine sur le devant de la scène. Mené sur plus de 300 patients, cet essai suggère que cet antibiotique utilisé en début d’exacerbation sévère de BPCO à faible dose permet d’améliorer le devenir des patients (intensification thérapeutique, complications, hospitalisation et décès) à 90 jours. Néanmoins, malgré son efficacité, ce traitement ne peut pas être proposé de façon systématique, en raison notamment du risque d’allongement du QT. Cet effet indésirable cardiaque doit aussi être pris en compte chez les patients traités de façon préventive au long cours par azithromycine pour éviter la survenue d’exacerbations de BPCO.