Des agrégats muqueux sont couramment observés dans les bronches des sujets souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Mais leur effet éventuel sur le pronostic reste inconnu, cette caractéristique n’étant pas étudiée en pratique clinique. Une étude récente présentée lors du congrès américain de l’American thoracic society et publiée dans le Jama pourrait amener les cliniciens à y porter plus attention (1). Ce travail met en effet en évidence un excès de mortalité chez les patients présentant des agrégats muqueux obturant totalement des bronches de calibre moyen à grand (de 2 à 10 mm de diamètre) au scanner thoracique. Bien que la causalité reste à prouver, cette observation ouvre de nouvelles pistes.
Une cohorte de plus de 4 000 patients suivis quasiment dix ans
L’étude porte sur une cohorte américaine prospective de BPCO, rassemblant près de 4 500 personnes âgées de 45 à 80 ans, ayant fumé au moins dix paquets-année et de couleur noire ou blanche mais non hispaniques. Ils ont été recrutés dans 21 centres entre 2007 et 2011 et suivis jusqu’en 2022. À l’inclusion, ils avaient 63 [57-70] ans d’âge médian et 44 % étaient des femmes.
Dans cette cohorte, destinée à faire de l’épidémiologie génétique et épigénétique (COPDGen), les auteurs ont mené une analyse rétrospective des scanners établis à l’inclusion. Sur ces images, les agrégats muqueux obturant complètement une bronche de calibre moyen à grand (de 2 à 10 mm de diamètre) ont été recensés en aveugle par deux lecteurs qualifiés, ce qui a permis un classement en trois catégories :
- Pas d’agrégat muqueux de ce type : 59 % des patients
- Un à deux agrégats muqueux : 22 % des patients
- Au moins trois agrégats muqueux (jusqu’à 18 quand tous les segments sont touchés) : 19 % des patients.
Le critère primaire est la mortalité totale au terme du suivi.
Majoration des décès à 10 ans
Au cours du suivi médian de 9,5 ans, 41 % des patients de cette cohorte sont décédés.
La mortalité était de 34 % chez les patients qui n’avaient pas d’agrégat muqueux obturant totalement une bronche de taille moyenne à grande. Elle atteint 47 % chez ceux qui avaient un à deux agrégats au scanner et 54 % chez ceux qui avaient au moins trois agrégats.
L’analyse a été réitérée après ajustements sur l’âge, le sexe, l’ethnie, l’IMC, les antécédents tabagiques (nombre de paquets-année), le statut tabagique actuel (fumeur vs. ex-fumeur), la FEV1, l’emphysème, elle montre qu’une différence significative de mortalité persiste. Le risque de décès est significativement augmenté, de 15 % lorsqu’il y a un a deux agrégats (RR = 1,15 [1,02-1,29]) et de 24 % lorsqu’il y a trois agrégats ou plus (RR = 1,24 [1,10-1,41]). Un ajustement supplémentaire sur un score de maladie coronaire ou sur la présence d’une bronchite chronique ne modifie pas ces résultats.
Une causalité à explorer qui pourrait ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques
Pour les auteurs, « cette observation suggère que les agrégats muqueux pourraient constituer une nouvelle cible thérapeutique pour réduire les décès dans la BPCO. » Reste néanmoins à prouver le lien de causalité entre ces agrégats et l’excès de décès, vu qu’il s’agit d’une une étude observationnelle. « Il faudrait rechercher aussi si ces agrégats peuvent constituer à l’avenir un biomarqueur d’imagerie intéressant. Ce travail ne va donc pas modifier nos pratiques. Mais il ouvre de nouvelles pistes de réflexion et de recherche dans la BPCO », concluent les auteurs.
(1) Diaz AA et al. Airway-occluding mucus plugs and mortality in patients with chronic obstructive pulmonary disease. JAMA. 2023 Jun 6;329(21):1832-9
doi: 10.1001/jama.2023.2065
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