Cibles d’oxygénation lors d’IRC : le débat reste entier

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Publié le 15/02/2021

Lors d’insuffisance respiratoire aigüe (IRC), il n’y a aucune différence entre les cibles de PaO 2 à 60 ou à 90 mmHg, selon une vaste étude multicentrique, qui ne tranche donc pas face aux données contradictoires sur cette question.

Crédit photo : phanie

En unité intensive, les patients souffrant d’insuffisance respiratoire aiguë (IRC) sont mis sous oxygénothérapie. Le bénéfice ne fait aucun doute. En revanche le rapport bénéfice/risque des diverses cibles d’oxygénothérapie reste controversé. Une vaste étude internationale a tenté de faire avancer le débat. Peine perdue. Dans cet essai multicentrique, les patients mis sous oxygénothérapie avec une cible de PaO2 à 60 mmHg ou à 90 mmHg ont le même pronostic (1). Leur mortalité à 3 mois est identique.

Une vaste étude multicentrique internationale supportée par le Fonds d’Innovation Danois

« Les recommandations ne prônent pas telle ou telle cible. Pourtant, lors d’une enquête internationale, la majorité des praticiens (80 %) privilégiaient une cible de PaO2 de 60 mmHg ou moins. Une métaanalyse récente plaide d’ailleurs une cible d’oxygène modérée chez les patients en soins critiques, rappellent les auteurs. D’un autre côté, l’étude LOCO2 a dû être précocement interrompue en raison d’un excès d’infarctus mésentérique et de décès à 3 mois dans le bras oxygénation basse. Enfin, l’étude ICU-ROX, qui comparait elle aussi deux stratégies d’oxygénation, n’a pas mis en évidence de différence en termes de mortalité à 1 mois ou de nombre de jours sans ventilation invasive. » Bref, la question reste entière… C’est pourquoi, pour tenter d’y voir plus clair, une vaste étude internationale a été lancée.

Cette étude, handling oxygenation targets in ICU (HOT-ICU), teste l’hypothèse selon laquelle viser une PaO2 de 60 mmHg procure un avantage en mortalité, par comparaison à une cible de PaO2 de 90 mmHg chez des patients admis en soins intensifs pour IRC.

Il s’agit d’une étude randomisée, stratifiée, en groupes parallèles avec randomisation centralisée dans les 12 heures post-admission en soins intensifs. La stratification tient compte du site d’inclusion et de la présence — ou pas — de BPCO ou de cancer hématologique actif.

Pour être inclus, les patients devaient avoir besoin d’au moins 10 litres d’oxygène/minute en système ouvert (masque ou VNI) ou nécessiter une fraction inspirée en oxygène (FiO2) d’au moins 0,50 sous intubation. Ils ont été randomisés en groupe oxygénothérapie basse (PaO2 60 mmHg) et haute (90 mmHg), ces PaO2 cibles étant atteintes par adaptation de la FiO2.

Au total, près de 3 000 patients admis ont été inclus entre juin 2017 et août 2020 au niveau de 35 unités de soins intensifs situées au Danemark, en Suisse, en Finlande, en Hollande, en Norvège, au Royaume Uni et en Islande. Ils ont 70 ans d’âge médian et 65 % sont des hommes. Plus de la moitié souffraient de pneumonies (57 %).

À l’inclusion, plus de la moitié sont intubés (58 %), 13 % sous VNI et quasi un tiers sous masque.

Absence d’impact significatif sur la mortalité à 3 mois

Après 3 mois, 42,9 % (bras cible basse) vs. 42,4 % (bras cible haute) des patients sont décédés. Même après ajustements, on n’observe pas de différence de mortalité entre les deux bras. L’analyse en sous-groupe n’est pas plus fructueuse. De même, les taux de patients en vie sans support médical ou bien en vie juste après à la sortie de l’hôpital ne diffèrent pas significativement entre les bras. On n’observe pas plus de différences en termes d’effets secondaires sévères.

« Cette étude ne supporte pas l’hypothèse que viser une PaO2 de 60 mmHg soit plus bénéfique qu’une cible de 90 mmHg. Elle ne permet néanmoins pas non plus d’exclure qu’une oxygénation basse puisse être bénéfique, ou à l’inverse être délétère, chez ce type de patients ou d’autres en situation critique », concluent les auteurs. Bref : retour à la case départ.

(1) OL Schj rring et al. Lower or higher oxygenation targets for acute hypoxemic respiratory failure. NEJM 2021; doi: 10.1056/NEJMoa2032510

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr