Dr Gilles Mangiapan : « L’échographie thoracique s’est imposée comme stéthoscope augmenté »

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Publié le 08/09/2022
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L'échographie thoracique est devenue le prolongement incontournable de l’examen clinique pour l’exploration de la paroi thoracique, de la plèvre, du tissu pulmonaire. Elle est irremplaçable pour guider et assurer le suivi des interventions pleurales. Explications du Dr Gilles Mangiapan, coordonnateur du Groupe échographie de la société de pneumologie en langue française (G-Echo).

Dr Gilles Mangiapan

Dr Gilles Mangiapan
Crédit photo : DR

Du fait de l’obstacle majeur que constituent, au niveau thoracique, les structures osseuses et aériennes, l’échographie ne s’est pas développée comme un examen d’imagerie, et c’est le scanner thoracique qui reste l’examen de référence en pneumologie. « De fait, l’échographie thoracique n’est pas l’outil du radiologue mais celui du pneumologue, puisqu’elle s’est imposée pour améliorer la qualité de l’examen clinique », souligne le Dr Gilles Mangiapan (CHI de Créteil). Ainsi, devant une opacité pulmonaire radiologique, l’échographie fait immédiatement le diagnostic différentiel entre une surélévation de la coupole, une pleurésie, une atélectasie ; en cas de crépitants, elle distingue parfaitement œdème pulmonaire, fibrose ou foyer de pneumonie.

Indispensable pour tout abord pleural

L’échographie est ainsi vite devenue une évidence pour la prise en charge des pathologies pleurales, la présence de liquide ouvrant une « fenêtre acoustique ». Pour diverses recommandations internationales (1, 2), l’abord pleural par ponction ou biopsie ne se conçoit plus sans échographie, le repérage échographique réduisant de manière significative le risque de complications ou de ponction blanche. « On ne peut plus se permettre de faire une ponction pleurale, a fortiori un drainage, si on n’a pas fait un repérage par échographie thoracique », insiste le spécialiste.

On ne dispose pas de recommandations spécifiques en France, mais le travail sur la prise en charge des pleurésies infectieuses, présenté en 2018 par la société de pneumologie en langue française (SPLF), rappelait que l’échographie est obligatoire avant toute ponction, d’autant que la pleurésie modifie les rapports anatomiques et qu’il existe un risque important de léser les organes sous-diaphragmatiques.

L’échographie repère des épanchements que ne montre pas la radiographie standard, mais elle apporte aussi potentiellement des renseignements sur l’étiologie. Elle a une très grande sensibilité pour prédire, par exemple, sa malignité.

Suivi des pneumothorax

Dès les années 1980, il est apparu que de petits signes d’irrégularité de la surface pulmonaire permettent de faire la différence entre l’air pulmonaire et l’air libre présent dans le thorax. L’échographie s’est rapidement s’est imposée comme un outil pour éliminer un pneumothorax traumatique ou iatrogène, après pose d’un cathéter central ou biopsie par exemple. Plusieurs métaanalyses ont confirmé que cet examen est bien plus sensible que la radiographie, et en particulier l’une d’elles (3), portant sur huit études et plus de 1 000 patients, a très clairement conclu que l’échographie avait une sensibilité de 91 % pour repérer un pneumothorax, contre 50 % pour la radio thoracique.

La SPLF prépare des recommandations pour 2022, qui préconiseront de rechercher et de suivre un pneumothorax par une échographie en première intention. « Cela permettra aussi d’économiser de nombreuses radios », souligne le Dr Mangiapan.

De plus en plus d’indications pour la pathologie pulmonaire

Mais l’échographie s’est aussi étendue à la pathologie pulmonaire, puisque, dès lors que celle-ci atteint la périphérie, elle peut avoir une traduction échographique. De nombreuses études menées dans les pneumonies révèlent qu’elle s’avère au moins égale aux urgences, si ce n’est supérieure, à la radiographie (4).

Le recours à l’échographie est très intéressant, en particulier dans certaines pathologies infectieuses chez l’enfant (5). Elle est aussi sensible que la radiologie pour le diagnostic de pneumonie, et identifie de façon bien plus efficace les pleurésies parapneumoniques, y compris lorsque l’épanchement est de petite taille. La valeur prédictive négative (VPN) de l’échographie est importante et, si elle est normale, elle permet d’affirmer qu’il n’y a pas d’atteinte pulmonaire associée à une connectivite ou une polyarthrite rhumatoïde.

En réanimation, l’échographie, en reflétant l’eau intrapulmonaire dans les œdèmes pulmonaires chez les insuffisants rénaux ou cardiaques, permet de façon fiable d’évaluer la surcharge hydrique pulmonaire.

Dans les cancers du poumon, une étude a montré que sa sensibilité pour le diagnostic d’une adénopathie sus-clavière est de 100 %, vs. 33 % pour la palpation et 81 % pour le scanner. Réalisée avant l’écho-endoscopie bronchique pour une suspicion d’adénopathie médiastinale, l’échographie pulmonaire permet de guider la biopsie d’une adénopathie sus-claviculaire, pour confirmation diagnostique et évaluation du statut phénotypique.

Enfin, l’échographie est précieuse pour explorer le diaphragme, sur le plan morphologique mais aussi dynamique, en particulier en cas de dyspnée, en montrant une respiration paradoxale ou une ascension de la coupole.

 

Groupe échographie de la société de pneumologie en langue française (G-Echo) : https://gecho.fr 

(1) Havelock et al. Pleural procedures and thoracic ultrasound: British thoracic society pleural disease guideline 2010. Thorax 2010;65(Suppl 2):i61 76

(2) Dancel et al. Recommendations on the use of ultrasound guidance for adult thoracentesis: a position statement of the society of hospital medicine. J Hosp Med 2018;13(2):126-35

(3) Alrajhi et al. Test characteristics of ultrasonography for the detection of pneumothorax: a systematic review and meta-analysis. Chest 2012;141(3):703-8

(4) Chavez et al. Lung ultrasound for the diagnosis of pneumonia in adults: a systematic review and meta-analysis. Respir Res 2014;15(1):50

(5) Pereda et al. Lung ultrasound for the diagnosis of pneumonia in children: a meta-analysis, Pediatrics, 16 Mar 2015, 135(4):714-22

doi: 10.1542/peds.2014-2833 PMID: 25780071

 

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr