Pr Chantal Raherison-Semjen, présidente de la Société de pneumologie de langue française

« La SPLF va se positionner sur les grands sujets respiratoires sans attendre les nouvelles crises sanitaires »

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Publié le 05/05/2020
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La crise du Covid-19 a bousculé la prise de présidence de la Société de pneumologie de langue française (SPLF) de la Pr Chantal Raherison-Semjen, l’occasion de sensibiliser le grand public à l’importance de la respiration. La SPLF veut aussi mieux se faire connaître auprès des pneumologues, pour leur prouver qu’ils tirent bénéfice à la rejoindre.
L’organisation pour assurer le suivi fonctionnel des patients pouvant présenter des séquelles liées au Covid-19 se met en place.

L’organisation pour assurer le suivi fonctionnel des patients pouvant présenter des séquelles liées au Covid-19 se met en place.
Crédit photo : phanie

Crédit photo : DR

LE QUOTIDIEN : Cela fait des années que vous êtes impliquée à la SPLF. Quels sont vos domaines de prédilection ?

Pr CHANTAL RAHERISON-SEMJEN : Professeur de pneumologie au CHU de Bordeaux, je m’occupe principalement de l’asthme sévère, de la BPCO et des maladies pulmonaires rares. Au sein de la SPLF, j’anime le groupe de travail « Femmes et poumons » et m’occupe des recommandations pour la prise en charge de l’asthme et de leur réactualisation. Enfin, dans le cadre de l’Inserm (CR1219), je travaille sur l’impact de l’environnement sur la santé respiratoire et allergique.

Votre début de présidence s’est avéré plutôt agité avec la crise du coronavirus ! Comment cela s’est-il traduit en pratique ?

Effectivement, ce début de présidence a été mouvementé ! Rapidement, notre Groupe de recherche et enseignement en pneumo-infectiologie (Grepi) a mis en ligne des informations courtes, pratiques, pour aider les professionnels de santé dans la prise en charge des patients Covid-19 avec une maladie respiratoire (asthme, BPCO, etc.). Nous avons réalisé une veille bibliographique quotidienne et donné accès aux pneumologues à la Plateforme AdviceMedica, permettant le partage d’expérience autour de cas. Enfin, nous avons élaboré un questionnaire (Covid-Quest) pour aider nos patients atteints de maladies respiratoires à mieux communiquer avec un professionnel de santé, car il ne faudrait pas qu’ils négligent leur affection chronique. Il est en cours de traduction anglaise.

Bien que les pneumologues soient en première ligne sur le terrain, ils sont assez discrets dans les médias où l’on entend surtout les infectiologues, pourquoi ?

En prenant la présidence de la SPLF, j’ai découvert l’existence de rivalités entre les sociétés savantes, ce qui est un peu dommage surtout en période de crise. J’ai écrit à la Direction générale de la santé pour que les pneumologues soient sollicités dans ce contexte de crise et nous participons maintenant aux recommandations pour le Covid-19, sous l’égide des sociétés savantes et de la Haute autorité de santé.

Va-t-il y avoir un « après Covid » durant votre présidence ?

Oui, bien sûr, il va falloir tirer les enseignements de cette crise qui, je l’espère, aura contribué à sensibiliser la population, les médias et le grand public sur le fait que la respiration est importante ! Nous sommes en train de nous organiser pour assurer le suivi fonctionnel des patients pouvant présenter des séquelles liées à cette infection. La question de la réhabilitation respiratoire sur laquelle les pouvoirs publics ne nous entendaient pas trop jusqu’ici, va devenir centrale !

Quel enseignement souhaitez-vous voir tirer de cette crise ?

Il est essentiel de mieux nous préparer aux prochaines crises sanitaires. Les choix politiques faits jusqu’ici (pour les masques, les tests de dépistage, etc.) se sont avérés lourds de conséquences… Il faudra aussi réfléchir à ce qu’a été la communication de crise : quand il a été dit que les masques ne servaient à rien dans la population générale, alors qu’il s’agit d’une maladie pulmonaire infectieuse propagée par les gouttelettes de salive, nous avons été plus que surpris à la SPLF ! Dans son communiqué du 2 avril, l’Académie de médecine s’est d’ailleurs prononcée pour que le port d’un masque « alternatif » en tissu, soit généralisé pour les sorties, ce qui est une question de pragmatisme et de bon sens.

Et comment avez-vous vécu les polémiques sur la prise en charge des patients Covid-19 ?

Énormément de publications sont sorties en un temps très court, avec des informations contradictoires et de nombreux télescopages ! Le débat reste ouvert. Est-il éthiquement acceptable d’attendre les résultats d’essais randomisés qui vont prendre du temps tout en sachant que de nombreux patients meurent chaque jour alors que l’on possède peut-être un médicament (qui n’est pas nouveau sur le marché) mais dont l’efficacité n’est pas établie et non dénué d’effets secondaires ? Il y aurait peut-être eu moyen d’encadrer les prescriptions plutôt que la situation actuelle, qui va rendre difficile l’évaluation a posteriori. Ce débat public entre experts pourrait laisser des traces dans la confiance du grand public envers le corps médical. Espérons que ce ne sera pas le cas. Autrefois, les antituberculeux ont été prescrits sur la base d’essais cliniques, avant que des études randomisées ne prouvent leur efficacité, mais c’était un autre temps…

Votre présidence à la SPLF ne va pas être réduite au problème du Covid-19, heureusement. Votre sensibilisation sur les sujets qui touchent les femmes va-t-elle ressortir ?

Il n’y avait pas eu de femme présidente de la SPLF depuis les années 1990 ! L’objectif de notre groupe de travail est d’aborder la prise en charge des pathologies respiratoires chez les femmes sous un angle différent : les modalités de contraception, la grossesse et les maladies respiratoires. Se pose aussi la question de la BPCO au féminin, en nette progression [NDLR lire p. 20].

Qu’en est-il des autres sujets d’actualités ?

Tout le monde attend encore la SPLF sur le climat, la pollution, les pesticides etc. Je souhaite donc qu’elle se positionne sur ces sujets, sans attendre de nouvelles alertes sanitaires.

Allez-vous continuer à promouvoir la SPLF auprès de vos confrères ?

Je souhaite que la SPLF soit encore plus représentative des pneumologues et pour cela, l’une de mes prochaines missions sera de faire connaître ce que nous faisons, auprès de tous nos collègues, quelles que soient leurs modalités d’exercice. La SPLF a une mission de formation et de perfectionnement des pneumologues, mais aussi d’information en pneumologie des autres professionnels de santé (rôle d’interface).

Que souhaitez-vous faire sur les plans de la recherche et de la communication ?

Notre expertise scientifique repose sur pas moins de 25 groupes de travail, il est important de communiquer sur le dynamisme et l’excellence de la SPLF. Je souhaite aussi plus d’articulations et de communications entre ces groupes. L’expertise reste le cœur de la SPLF, avec la recherche en pneumologie. Elle a enfin une mission d’élaboration et de mise en œuvre de programmes de lutte contre les maladies respiratoires.

Quid des relations internationales ?

La SPLF est en relation avec les autres sociétés savantes à l’international et notamment la Société européenne respiratoire. L’espace francophone de pneumologie est une émanation de la SPLF.

Propos recueillis par la Dr Nathalie Szapiro

Source : lequotidiendumedecin.fr