Le Covid, infection mais aussi maladie respiratoire

Le combat de la SPLF pour faire entendre la voix des pneumologues

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Publié le 21/05/2021
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La Pr Chantal Raherison, présidente de la SPLF, souligne la difficulté du dialogue avec les tutelles depuis le début de la pandémie de Covid-19 pour que soit prise en compte l’expertise des pneumologues.
De nombreux patients ont été intubés et trachéotomisés alors qu’une ventilation non invasive aurait pu être préférable

De nombreux patients ont été intubés et trachéotomisés alors qu’une ventilation non invasive aurait pu être préférable
Crédit photo : phanie

Un an après le début de la pandémie de Covid-19, c’est un bilan en demi-teinte que dresse la Société de pneumologie de langue française (SPLF). « Sur le terrain, le constat est plutôt satisfaisant. Dans beaucoup d’hôpitaux, les pneumologues ont pleinement participé à la prise en charge des patients aux côtés des réanimateurs et des infectiologues. Mais c’est au niveau institutionnel que les choses ont été plus compliquées. Depuis un an, nous avons beaucoup de mal à faire entendre la voix de la pneumologie auprès de nos tutelles ainsi que de la Haute autorité de santé (HAS) ou du Haut conseil de la santé publique. Le fait que le Conseil scientifique, qui conseille le président de la République, ne compte toujours pas de pneumologue dans ses rangs, est quand même révélateur », souligne la Pr Chantal Raherison (CHU de Bordeaux), présidente de la SPLF.

Cette difficulté à se faire entendre a démarré très vite après le début de la pandémie, au moment où se sont posées des questions sur la prise en charge des patients les plus gravement atteints. « Très vite, nous avons attiré l’attention sur le fait qu’il était possible de traiter certains de façon non invasive avec de l’oxygène à haut débit. Mais nos collègues réanimateurs et infectiologues n’ont pas retenu cette option. Et de très nombreux patients ont été intubés et trachéotomisés alors que, peut-être, pour certains, une ventilation non invasive aurait été préférable », explique la Pr Raherison.

Un débat s’est aussi posé autour de l’utilisation des corticoïdes. « Les infectiologues partaient du principe qu’à partir du moment où c’était une atteinte virale infectieuse, il ne fallait pas délivrer de corticoïdes. De notre côté, nous avions l’habitude des manifestations inflammatoires secondaires à des infections. Et nous avions constaté que les corticoïdes pouvaient améliorer certains patients. Là encore, il a fallu un peu de temps pour faire passer ce message. Heureusement, par la suite, il y a eu ces essais cliniques qui ont montré l’intérêt des corticoïdes, aujourd’hui devenu une pierre angulaire du traitement pour les formes hypoxémiques. Mais au final, nous gardons quand même un sentiment d’amertume car nous avons peut-être perdu du temps », estime la présidente de la SPLF.

Des recommandations à rebours de la HAS

La SPLF n’a pas non plus hésité à afficher ses désaccords avec la HAS sur l’oxygénothérapie à domicile (lire p. 6). « Pour nous, cette option ne peut être retenue que pour les patients en sortie d’hospitalisation. Finalement, nous avons choisi de faire un texte différent de celui de la HAS, que nous avons mis en ligne sur notre site. C’est un texte qui se veut très pratique pour répondre aux questions des médecins ayant des patients sous oxygène à domicile, indique la Pr Raherison, qui tient à faire passer un message auprès de ces médecins. Quand un patient a besoin d’oxygène après sa sortie de l’hôpital, il faut un avis pneumologique. On ne peut pas faire d’oxygène à haut débit à domicile ! »

La SPLF s’est aussi mobilisée pour faire inscrire les patients souffrant de maladies respiratoires chroniques sur la liste des publics prioritaires pour la vaccination. « Ils ne figuraient pas sur la première liste qui est sortie. Et nous avons dû argumenter pour qu’ils soient ajoutés, en faisant valoir que ces patients étaient autant à risque que les personnes âgées. Nous avons indiqué que si les décès étaient restés relativement limités lors de la première vague dans cette population, c’est surtout parce que nos patients s’étaient largement auto confinés [lire p. 20] », indique la Pr Raherison, en déplorant aussi les fortes disparités dans la vaccination des personnels de santé. « Dans certains hôpitaux, les directeurs se sont un peu écartés des directives nationales et ont vacciné leur personnel, en particulier ceux des unités Covid. Dans d’autres établissements, cela n’a pas toujours été le cas. »

Enfin, depuis un an, le site de la SPLF a veillé à mettre en ligne de nombreuses informations relatives au Covid. « Notre groupe Recherche et enseignement en pneumo-infectiologie (Grepi) fait un très gros travail pour informer la communauté pneumologique mais aussi les non-pneumologues. Nous faisons aussi régulièrement des webinaires sur la gestion du Covid mais aussi sur celle des autres pathologies, dans cette période très compliquée ».

Le fait que le Conseil scientifique ne compte toujours pas de pneumologue dans ses rangs est quand même révélateur

Entretien avec la Pr Chantal Raherison (CHU de Bordeaux), présidente de la SPLF

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr