Un potentiel à explorer, y compris dans le Covid

L’itaconate, un facteur naturel protecteur contre la fibrose

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Publié le 06/11/2020
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L’itaconate, un métabolite anti-inflammatoire des macrophages, se révèle être un facteur antifibrotique dans les poumons. Alors qu'il existe un déficit chez les patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique, l’itaconate inhalé ouvre de nouvelles pistes thérapeutiques dans cette maladie incurable, mais aussi dans le Covid.

Un métabolite naturel déjà présent dans les poumons sains qui freine la fibrose

Un métabolite naturel déjà présent dans les poumons sains qui freine la fibrose
Crédit photo : Phanie

Comment serait-il possible d'améliorer les lésions cicatricielles de la fibrose pulmonaire ? Alors qu'aucun traitement ne permet actuellement d'atténuer l'excès de tissu conjonctif caractéristique de l'affection, une étude dans « Science Immunology » ouvre une voie de recherche avec l'itaconate, un facteur protecteur présent de façon physiologique.

« La fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) est une maladie chronique caractérisée par une cicatrisation progressive des poumons qui rend la respiration difficile, explique au « Quotidien » le Pr Adam Byrne de l'Imperial College London qui a dirigé l'étude. Malheureusement, la maladie est grave avec de faibles taux de survie. Actuellement, il n'y a que deux médicaments approuvés pour le traitement de la FPI, la pirfénidone (Esbriet) et le nintédanib (Ofev). Mais ceux-ci ralentissent la progression de la maladie mais ne l'inversent pas ».

L'équipe britannique a découvert qu'un métabolite naturel, appelé itaconate, est présent dans les poumons sains et freine la fibrose. « Les patients atteints de FPI ne produisent pas suffisamment d'itaconate, ce qui favorise le développement d’une fibrose plus sévère, rapporte le chercheur. De façon intéressante, en utilisant des modèles précliniques chez la souris, nous avons constaté que l'itaconate inhalé diminue la fibrose. Nos travaux identifient donc l'itaconate (ou des composés similaires) comme une nouvelle thérapie potentielle pour la FPI ».

L’équipe a ainsi montré que, comparés à des témoins sains, les patients atteints de FPI présentent des taux d’itaconate réduits dans leurs alvéoles (mesurés dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire) et une baisse d’expression du gène ACOD1 dans leurs macrophages alvéolaires, ce gène contrôlant la synthèse d’itaconate.

Dans un modèle murin de fibrose pulmonaire (induite par bléomycine inhalée), l’équipe a constaté que les souris génétiquement déficientes en itaconate (ACOD1 -/-) développent une fibrose pulmonaire plus sévère que les souris normales.

Les chercheurs ont aussi étudié les fibroblastes pulmonaires humains, ces sources principales du dépôt de matrice extracellulaire observé dans la FPI. L’itaconate ajouté à la culture des fibroblastes pulmonaires de patients malades ou de sujets sains diminue la capacité de prolifération et de cicatrisation des fibroblastes. Enfin, de façon prometteuse, un traitement de deux semaines par itaconate inhalé chez des souris ayant développé une fibrose pulmonaire après exposition à la bléomycine (itaconate débuté 10 jours après l’exposition) a permis d’améliorer tous les signes majeurs de la fibrose.

Plan de développement

« Parmi nos prochains objectifs, nous voulons évaluer, dans l’année qui vient, la demi-vie et le profil d'innocuité de l'itaconate et d’autres analogues de l’itaconate (4-octyl-itaconate, diméthyl fumarate), ceci dans des modèles précliniques, confie au « Quotidien » le Pr Byrne. Si tout se passe bien, nous serons en bonne posture pour les essais humains ». Le médecin de l'Imperial College London a bon espoir que l’itaconate sera bien toléré car c’est un métabolite naturel trouvé dans les poumons sains.

« Nous aimerions ensuite explorer si nous pouvons modifier la structure chimique de l'itaconate afin d’améliorer son activité antifibrotique, ajoute-t-il. Enfin, nous évaluerons si l'itaconate peut être utile dans d'autres maladies comprenant une fibrose, qu'elle soit cutanée ou hépatique ».

P. Ogger et al., Science Immunology, 10.1126/sciimmunol.abc1884, 2020

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin