Médicament et sérendipité

Modafinil, de l'anti-sommeil au dopage intellectuel

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Publié le 09/08/2016
narcolepsie

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Crédit photo : PHANIE

La petite histoire

Dans les années 1970, un laboratoire français, Lafon, décide de tester plusieurs nouvelles molécules sur des maladies du système nerveux central. Une quinzaine ont été sélectionnées et administrées à des souris par voie orale ou intra-péritonéale à des souris. Le comportement des animaux a ensuite été observé.

Cette expérimentation s’est révélée tellement décevante que le projet a été suspendu. Pourtant, les personnes chargées de l’entretien des souris avaient remarqué que l’une des substances, l’adrafinil, produisait une hypermobilité dose-dépendante chez l’animal.

Le neurobiologiste Michel Jouvet – qui le premier a décrit le sommeil paradoxal – a eu vent de cette découverte et a demandé au laboratoire Lafon de poursuivre ses recherches. Pour lui, ce traitement pouvait être adapté, notamment au syndrome de Pickwick, une hypersomnie retrouvée parfois chez des personnes obèses.

Il a demandé à utiliser ce traitement chez un jeune homme atteint de narcolepsie, puis d’autres patients ont été traités.

L’adrafinil a reçu l’AMM pour le traitement de la narcolepsie en 1986 sous le nom de Olmifon.

Des recherches menées par la suite ont montré que l’adrafinil était métabolisé en modafinil. Cette substance a été synthétisée à son tour comme la première molécule anti-sommeil sans effets secondaires, à l’inverse des amphétamines.

Le 24 juin 1992, le modafinil obtient une AMM dans les pathologies avec somnolence diurne excessive telles que la narcolepsie et le syndrome d’apnée du sommeil.

Et après ?

En 1991, les militaires français ont testé cette molécule pendant la guerre du Golfe sans toutefois en avoir été informés. En janvier 2011, l’Agence européenne du médicament estimait que le modafinil n’était plus indiqué que dans la narcolepsie avec ou sans catalepsie. La HAS a mis en avant le risque d’usage inapproprié de cette molécule en 2011, dans toutes les autres indications.

Pourtant, certains médecins souhaiteraient le prescrire ou le prescrivent dans la maladie de Steinert, dans la sclérose en plaques, les syndromes d’apnée du sommeil, l’hypersomnie idiopathique…

Reste qu’il semble que les mésusages non seulement persistent mais qu’ils soient en augmentation.

Un quart des étudiants anglais utiliseraient du modafinil pour augmenter leurs performances scolaires.

Aux États-Unis, le Provigil serait le premier dopant intellectuel sûr, selon des chercheurs de Harvard et d’Oxford.

En France, nombre de sites proposent d’acheter ce médicament sans ordonnance.

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I. C.

Source : lequotidiendumedecin.fr