Pr Marc Humbert : « Il faut suivre les patients à distance d’un épisode d’embolie pulmonaire pour rechercher des symptômes persistants »

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Publié le 03/11/2021

Les hypertensions pulmonaires, notamment l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC), sont mieux connues dans leur physiopathologie et bénéficient actuellement d’avancées pouvant favoriser leur prise en charge. Retour sur les dernières données présentées au congrès 2021 de l’ERS.

Crédit photo : DR

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est une maladie rare et grave pour laquelle il n’existe pas de traitement curatif. Les médicaments actuellement disponibles ont pour cible l’une des trois voies principales à l’origine de la dysfonction endothéliale artérielle pulmonaire, impliquant la prostacycline, l’endothéline-1 et le monoxyde d’azote. « Ces traitements vasodilatateurs permettent d’améliorer la survie des patients mais ne permettent pas d’inverser le remodelage artériolaire pulmonaire responsable de la maladie. C’est pourquoi d’autres pistes thérapeutiques ont été recherchées, explique le Pr Marc Humbert, Hôpital Bicêtre, AP-HP, Inserm UMR_S 999 et Université Paris-Saclay. La démonstration que des mutations du gène BMPR2, codant le BMPR-II, sont les causes principales des formes familiales d’HTAP, a permis d’explorer la possibilité de nouvelles cibles thérapeutiques. »

Le sotatercept, premier inhibiteur de TGF-β

Le BMPR-II est un récepteur de la superfamille du TGF-β, qui peut limiter la prolifération cellulaire et donc l’accumulation des cellules vasculaires dans les parois des artères pulmonaires. Un défaut de cette voie de signalisation lève un frein physiologique, qui entraîne une rupture de l’homéostasie des vaisseaux du poumon. Il est apparu que les ligands du récepteur de type IIA de l’activine (ActRIIA) étaient responsables de cet emballement de la prolifération cellulaire lorsque la voie du BMPR-II était dysfonctionnelle.

C’est ainsi que le sotatercept, un biomédicament formé de la fusion de la partie extracellulaire du récepteur de l’activine IIA et du fragment constant d’IgG1 a été développé. Il agit en piégeant les ligands de l’ActRIIA donc en empêchant l’activation excessive des voies de prolifération vasculaire libérées du frein BMPR-II. L’objectif de cette approche est de tenter de rétablir l’homéostasie vasculaire pulmonaire.

L’étude Pulsar, menée chez plus de 100 patients recevant soit le sotatercept 0,3 mg/kg, soit le sotatercept à 0,7 mg/kg soit un placebo, a montré l’effet positif du sotatercept en association aux traitements habituels, à 24 semaines (1). « Les résultats préliminaires de l’extension de l’étude à 48 semaines, présentés au congrès de l’ERS 2021, confirment l’amélioration de la distance de marche, la réduction de la dyspnée et la réduction du marqueur d’insuffisance cardiaque droite (NT-proBNP). Ces résultats prometteurs doivent encore être confirmés dans des études de phase III : Stellar, Hyperion et Zenith », ajoute le Pr Humbert.

Mieux connaître les risques d’HTP-TEC

Au cours des dernières années, l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC) a connu de grands progrès. « Sur le plan thérapeutique, l’endartériectomie pulmonaire est le traitement de choix quand le patient est jugé opérable et l’angioplastie par ballonnet est une technique aujourd’hui à maturité pour les patients inopérables. Quant au traitement médical, il repose sur les anticoagulants chez tous les patients et parfois un traitement vasodilatateur par riociguat, qui agit sur la voie du monoxyde d’azote chez les patients inopérables ou présentant une hypertension pulmonaire persistante après endartériectomie pulmonaire », déclare le Pr Humbert.

L’incidence de l’HTP-TEC après une embolie pulmonaire aiguë n’est pas bien connue. Les résultats d’une étude menée par le CHRU de Brest, présentés au congrès de l’ERS, confirment qu’il s’agit d’une complication rare, mais qu’il ne faut pas négliger.

L’étude Padis-PH visait à déterminer l’incidence cumulée et les facteurs de risque de développer une HTP-TEC après un épisode isolé d’embolie pulmonaire non provoquée. Les sujets avaient tous participé à l’étude Padis-PE, qui évaluait l’effet d’une prolongation de l’anticoagulation à 24 mois comparée à 6 mois (JAMA 2015). Après 8,7 ans de suivi médian, 9 cas d’HTP-TEC, confirmés ou suspectés ont été identifiés parmi les 371 patients, soit une incidence cumulée de 1,8 %, comprenant 4 cas incidents (nouveaux diagnostics, 1,31 %) et 5 cas prévalents. Une anticoagulation au-delà de 6 mois ne semble pas en réduire le risque. « Il demeure très important de suivre les patients à distance d’un épisode d’embolie pulmonaire pour rechercher des symptômes persistants et en particulier un essoufflement, pouvant révéler parmi d’autres causes, une HTP-TEC, souligne le Pr Marc Humbert. D’autant que l’HPT-PEC est une maladie traitable. » Actuellement, de nombreuses recherches portent sur l’HTP-TEC, notamment Destination 2024, un projet de RHU qui a pour objectif d’en favoriser le diagnostic précoce et le traitement. 

Médicaments induisant une hypertension pulmonaire

Enfin, il est important de souligner qu’il existe des liens certains entre la prise de certains médicaments ou toxiques et la survenue d’une HTAP, au premier rang desquels certains anorexigènes (dérivés de la fenfluramine, retirés du marché) mais aussi des inhibiteurs de tyrosine kinase (dasatinib) ou des drogues illicites comme la méthamphétamine. Comme rapporté au congrès de l’ERS, d’autres médicaments sont également surveillés par le réseau français de l’hypertension pulmonaire dans le cadre de ses actions de pharmacovigilance pilotée au niveau national par l’ANSM, assistée par son réseau de centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV).

 

Marc Humbert a bénéficié d’une aide d’État gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme d’investissement d’avenir portant la référence ANR-RHUS-0006. Il déclare également des liens (consultance et projets de recherche) de la part de Acceleron, Janssen et Merck

(1)  Humbert M et al. Sotatercept for the treatment of pulmonary arterial hypertension. N ; Engl J. Med 2021 ; 384 : 1204-15

 

Dr Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr