Antidépresseurs

Des indications précises

Publié le 10/10/2012
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« ÉLIMINONS de la discussion les médecines alternatives et la phytothérapie qui prennent de plus en plus de place dans les débats mais qui ne méritent pas l’appellation antidépresseur », précise d’emblée le Dr Alain Gérard.

L’indication indiscutable des antidépresseurs (AD) est la dépression caractérisée d’intensité modérée à sévère. Leur efficacité est démontrée, il faut en effet une pression biologique sur un cerveau qui dysfonctionne. Dans ces épisodes de dépression majeure caractérisée, la psychothérapie n’a pas sa place, en revanche les patients ont besoin d’un soutien psychologique et d’un accompagnement. Cette classe thérapeutique trouve également toute sa place dans la prévention des récurrences chez les patients qui présentent d’importants facteurs de vulnérabilité. Dans ces situations, il convient aussi de sensibiliser les patients à l’idée d’une psychothérapie spécifique conjointe s’ils veulent éviter de rechuter.

En revanche, les antidépresseurs ne sont légitimes ni dans les dépressions d’intensité légère, ni dans les troubles de l’adaptation avec humeur dépressive. Le sub syndrome anxio-dépressif n’est pas non plus une indication, les dysthymies non plus. Dans les dépressions saisonnières, les AD ne constituent pas le traitement de première intention, c’est la luminothérapie. Néanmoins, dans certains cas, on peut les associer.

Dans la dépression des troubles bipolaires, les AD induiraient des « phases hautes », mais on ne dispose pas d’autres traitements. L’effet antidépresseur des thymorégulateurs n’est pas démontré.

Dans les troubles anxieux.

Dans le cadre des troubles anxieux, les indications reconnues des AD sont le trouble anxieux généralisé, le trouble panique, les phobies sociales avec pour chaque cas la même exigence de sévérité.

Notons également que l’énurésie et la migraine peuvent bénéficier de cette classe thérapeutique.

Comme le souligne le Dr Alain Gérard, un certain nombre de patients ne reçoivent pas d’antidépresseur alors qu’ils devraient en bénéficier, mais, à l’inverse, par rapport aux recommandations et aux AMM en vigueur, il apparaît que ces molécules sont parfois prescrites à des sujets qui ne relèvent pas de ce type de traitement. Cette prescription inadaptée s’inscrit dans un double registre. Le premier est celui de la représentation de la thérapeutique en France. Depuis les années cinquante-soixante, les chercheurs ont beaucoup travaillé sur ces molécules. Les médecins ont une connaissance, une habitude de ces médicaments. « C’est presque un marqueur de notre discipline qui laisse des traces identitaires. » Le deuxième est que ce traitement est un marqueur objectif de l’offre de soins. Par rapport aux pays voisins, l’ensemble de ces éléments pèse dans la sur-prescription.

Améliorer le recours aux psychothérapies

On observe également dans notre pays un recours insuffisant aux psychothérapies et cela pour plusieurs raisons, explique le Dr Gérard. « Depuis 30 ans, les médecins s‘opposent au développement des psychothérapies réalisées par des non-médecins et en tout cas à leur remboursement. » Par ailleurs, un certain nombre de médecins ont souvent des difficultés à ne pas terminer leur consultation par une prescription. La ritualisation des pratiques et des relations médecin patient est importante. Mais si le médecin ne prescrit pas, il bascule dans une relation où il se sent devenir le thérapeute, le responsable d’une relation. Cela l’emmène dans une intensité de prise en charge où il n’a pas forcément le temps ou l’envie d’aller. « Tous les médecins ne sont pas prêts pour ce type de relation. Entre le temps long de la clinique, de l’observation, du suivi et le temps bref de la consultation, il y a un hiatus d’autant plus grand que l’effet attendu rapide d’une molécule et l’effet attendu plus lent d’une psychothérapie contribuent à faire surprescrire dans certains cas parce qu’on est dans la performance et qu’il faut faire vite » déplore le Dr Gérard.

Dans certains cas, la prescription d’un antidépresseur au long cours est justifiée chez des patients qui ont fait des épisodes récurrents majeurs, mais analyser les causes de la dépression et trouver des stratégies d’adaptation restent fondamental pour que cela ne devienne pas une maladie de la vie entière.

Cela étant, adhérer à cette conduite thérapeutique n’est pas toujours aisé pour les psychiatres et pour plusieurs raisons. Les patients ne souhaitent pas toujours suivre une psychothérapie. Une fois qu’ils sont soulagés de leur épisode aigu, ils n’ont pas envie d’aller deux fois par semaine en consultation.

Du côté des thérapeutes, on se heurte à deux écueils, d’une part il est difficile de demander à des thérapeutes cognitifs de prendre en charge des déprimés sévères, d’autre part les psychothérapeutes d’obédience psychanalytique sont moins formés à la dépression et s’intéressent plus à l’angoisse et à la souffrance humaine. Enfin, souligne le Dr Gérard, la formation initiale en matière de psychothérapie est très hétérogène d’un CHU à l’autre, et la formation continue concerne davantage les traitements pharmacologiques que les différentes formes de psychothérapie.

D’après les communications du Dr Alain Gérard (Paris) dans le cadre du Forum sur la dépression organisé par « le Quotidien » avec le soutien institutionnel des laboratoires Lündbeck.

 Dr MARIE-LAURE DIÉGO-BOISSONNET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9172