Actualités sur le suicide

Et si on se trompait de débats ?

Publié le 15/12/2011
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Crédit photo : PHANIE

ON ENTEND SOUVENT parler du suicide à partir de situations rares et surmédiatisées, comme le suicide au travail par exemple. Et de fait, ces dernières années, quelques suicides qui se sont déroulés sur le lieu de travail ont pu faire croire à un lien direct de cause à effet entre le mal-être au sein de l’entreprise et le passage à l’acte. Mais pour le Pr Courtet, il ne faut pas se tromper de débat…

Le suicide n’est pas un problème social, mais médical.

Une étude publiée dans « The Lancet » associe les effets de la crise au taux de suicide dans les pays européens, puisque lorsque le taux de chômage grimpe de 1 %, dans le même temps, on constate une augmentation de 0,79 % du taux de suicides. « Mais cela ne veut pas dire pour autant que le suicide relève d’une seule cause sociale. L’acte suicidaire résulte toujours d’un problème médical sur lequel vient en plus se greffer, ou pas, un problème social supplémentaire. Ainsi, le risque de passage à l’acte s’évalue avant tout en fonction de l’existence ou non de facteurs de vulnérabilité : antécédents personnels ou familiaux de conduite suicidaire, antécédents de maltraitance dans l’enfance, existence d’une dépression ou d’une maladie bipolaire, autres troubles psychiatriques quels qu’ils soient, caractère violent, impulsif et/ou colérique » précise le Pr Courtet.

Lorsque l’une ou plusieurs de ces composantes sont trouvées, le risque suicidaire est considéré comme élevé et nécessite une prise en charge immédiate. « Outre un traitement antidépresseur, il faut revoir très vite son patient, dans les jours qui suivent. Il faut aussi tout faire pour prévenir le passage à l’acte, notamment en demandant au patient s’il possède une arme à feu ou des médicaments potentiellement toxiques et si c’est le cas, faire intervenir son entourage pour les lui retirer. Contrairement à une idée reçue, poser ce type de question ne donne pas des idées suicidaires au patient (il n’a pas besoin du médecin pour cela !), mais peut au contraire l’aider à verbaliser ses intentions, à dénouer ses tensions et donc à abaisser d’un cran son niveau de souffrance car il se sent enfin écouté » insiste le Pr Courtet. Ainsi, même si toute réorganisation du travail dans le sens du mieux-être, au sein des grandes entreprises, est bonne à prendre, c’est du côté d’une meilleure prise en charge médicale des patients à haut risque, que les efforts doivent aussi porter, si l’on veut espérer réduire le nombre de personnes qui se suicident chaque année…

Le risque suicidaire est lié à la dépression, non aux antidépresseurs.

Suite à la publication d’une métaanalyse concluant à l’augmentation du risque suicidaire chez les adolescents et les jeunes adultes mis sous antidépresseurs, deux études ont montré que depuis que les médecins prescrivaient moins ces traitements, cette baisse de prescription s’accompagnait d’une augmentation du taux de suicide chez les jeunes. Aussi, de plus en plus de psychiatres s’insurgent contre les biais méthodologiques de cette métaanalyse et estiment que l’on se trompe encore de débat. « C’est bien la dépression et non les antidépresseurs qui poussent au suicide. C’est pourquoi, une fois de plus, il est si important d’évaluer le risque suicidaire en même temps que l’on prescrit des antidépresseurs et pour les patients à risque élevé, de prévoir un suivi plus rapproché et de prendre les mesures de protection nécessaire. À faire également : vérifier qu’il s’agit bien d’une dépression et non d’un trouble bipolaire relevant d’un autre traitement » conclut le Pr Philippe Courtet.

D’après un entretien avec le Pr Philippe Courtet, chef du département d’urgence et post-urgence psychiatrique, CHRU, Montpellier.

 Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes