Lorsque les benzodiazépines sont indiquées

Le patient doit être impliqué dans son traitement

Publié le 18/06/2009
Article réservé aux abonnés
1276106587F_600x_72313_IMG_16259_1245383278222.jpg

1276106587F_600x_72313_IMG_16259_1245383278222.jpg

L’ANXIÉTÉ est comparable à une douleur face à laquelle le seuil de tolérance de chaque individu est différent. Lorsqu’à la faveur de deux ou trois consultations successives, le diagnostic d’anxiété est porté, certains patients ont besoin d’un traitement anxiolytique pour ne plus être entravés dans leur quotidien. Ce traitement doit alors être présenté au patient comme un complément provisoire à des mesures plus globales (psychothérapiques et comportementales). Parmi les médicaments psychotropes à activité anxiolytique rapide, la pharmacologie des benzodiazépines (BZD) a été largement explorée et leur absence de toxicité a été prouvée au cours du temps. Les carbamates et les barbituriques sont à proscrire dans l’anxiété. Les neuroleptiques sédatifs sont généralement réservés à des patients qui souffrent également de troubles psychiatriques ou de troubles de la personnalité (sujets impulsifs, passeurs à l’acte, violents qui expriment leur angoisse).

Certains médicaments psychotropes possèdent un mode d’action progressif comme les antidépresseurs (ISRS ou tricycliques). La prescription de ces molécules se fait dans le cadre d’un traitement de fond de longue durée (minimum 6 mois), à la différence des anxiolytiques qui peuvent être arrêtés très rapidement. Les neuroleptiques atypiques peuvent être utilisés dans les troubles anxieux graves, bien que cette pathologie ne figure pas dans leurs indications. On voit ainsi que l’éventail des classes thérapeutiques utilisables dans l’anxiété est restreint et que les benzodiazépines restent, comme le soulignent les généralistes présents à Lille, un outil souvent incontournable pour réduire l’anxiété douloureuse. Ils ajoutent que, sous réserve de respecter les règles de prescription, il est licite d’espérer éviter les problèmes de dépendance.

Du systématisme mais aussi de la souplesse dans la prescription.

Le traitement, toujours en monothérapie, est instauré pour une période courte (1 à 2 semaines) devant des états anxieux aigus, des crises de panique. « Il est d’ailleurs fréquent que les benzodiazépines constituent pour les patients sujets à des attaques de panique un véritable objet contraphobique. Le fait d’en posséder sur eux et de savoir qu’ils peuvent en prendre à la demande suffit le plus souvent à juguler les crises. Les prises occasionnelles n’exposent pas au risque de dépendance ». Lorsque dépression et anxiété sont associées, il est possible d’avoir recours de façon transitoire – mais attention non systématique - à une BZD en début de traitement. Lorsque les troubles anxieux sont sévères, invalidants ou résistants, le traitement peut être instauré pour une période de 6 à 12 semaines.

Lors d’une nouvelle prescription, le patient doit toujours être impliqué et se sentir acteur de son traitement. « Dès cette première étape, le médecin évoquera le moyen terme et l’arrêt de la BZD tout en rassurant le patient sur la faisabilité de cet arrêt une fois qu’il ira mieux ». La posologie minimale efficace est toujours recherchée en débutant par des doses faibles et en donnant la possibilité au patient d’ajuster le traitement dans un deuxième temps si l’effet est insuffisant. Cette démarche d’ajustement des doses a une valeur symbolique et responsabilise le patient. Lors des consultations de suivi, une réévaluation de la situation est toujours faite en s’assurant notamment que le patient ne prend pas d’autres médicaments depuis la prescription initiale et en recherchant également une alcoolisation, tentante chez le sujet anxieux du fait de son effet désinhibiteur. À ces éléments d’ajustement de la dose, le praticien peut ajouter des éléments de fractionnement de la dose, notamment avec les BZD de demi-vie longue car leur maniabilité le permet. Ainsi, les doses peuvent être adaptées aux variations nycthémérales de l’anxiété avec, par exemple, des posologies plus fortes au coucher et plus faibles en début de journée pour les patients souffrant de terreurs nocturnes. Chez le sujet âgé (plus de 75 ans) et/ou polypathologique et âgé de plus de 65 ans, et en raison des risques d’accumulation du médicament ou de ses métabolites actifs lors de prises répétées, les BZD à demi-vie courte sont préconisées. Les BZD de demi-vies longues peuvent être utilisées à demi-dose.

Une grande susceptibilité individuelle à la dépendance.

Le principal risque des BZD réside dans la dépendance et certains sujets sont alors confrontés à d’importantes difficultés de sevrage. Le risque de dépendance est très variable d’un patient à l’autre. Il est d’autant plus important que le traitement a été prolongé (50 à 75 % chez les consommateurs réguliers depuis au moins 6 mois) et que les doses ont été importantes. Les personnalités pathologiques, dépendantes d’autres drogues ou de l’alcool sont plus sujettes au risque de dépendance. La pharmacocinétique des molécules utilisées influe sur le risque de dépendance et les produits à demi-vie longue ou moyenne limitent les pics de sevrage. Pour les généralistes présents à Lille, ce sont les patients sous BZD depuis de nombreuses années, et dont la dépendance psychique ou physique rend le sevrage difficile, qui sont responsables de la « diabolisation médiatique » des BZD. Pour eux, aujourd’hui, en respectant les bons usages, on peut espérer ne pas entrer dans cette dépendance. Le sevrage doit s’accompagner d’une prise en charge comportementale globale, déjà souvent débutée dans le cadre de la prise en charge globale du patient anxieux. Ces thérapies complémentaires : gestion du stress, relaxation musculaire, contrôle respiratoire, méditation, thérapie cognitivo-comportementale ne sont pas toujours possibles…

Le sevrage équivaut à un état de « vigilance orange ».

Plus le traitement a été prolongé, plus le sevrage doit être progressif. Si les patients étaient sous plusieurs BZD différentes, il faut - en utilisant le tableau des équivalences - repasser en monothérapie, de préférence avec une BZD à demi-vie longue. Le sevrage peut se prolonger de quelques semaines à quelques mois suivant les circonstances et en fractionnant les doses au maximum. Le suivi régulier du patient est indispensable, avec un entretien toutes les semaines idéalement, sachant que les dix premiers jours sont très importants. La programmation des consultations constitue un repère qui étaye la volonté du patient et ses efforts entre deux visites. Pour certains, l’utilisation d’un carnet de bord constitue une aide appréciable. « L’implication du patient est essentielle, comme pour l’instauration du traitement, il doit pouvoir agir à la demande et augmenter la dose d’un palier en cas de besoin. » Pour le Dr Servant « ces turbulences sont normales et il faut savoir anticiper sur l’échec » tout comme ne pas hésiter à avoir recours au spécialiste.

Réunion organisée avec le soutien institutionnel du Laboratoire Sigma-Tau.

 Dr LAURIE DANJOU

Source : lequotidiendumedecin.fr