Quel que soit le profil de l’anxiété

Les benzodiazépines restent une étape

Publié le 01/07/2009
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Crédit photo : DR

LES BENZODIAZÉPINES sont indiquées dans les états d’anxiété aigus, les crises de panique, devant des troubles réactionnels ou de l’adaptation, lorsque l’anxiété est importante et source de handicap socioprofessionnel ou face à un trouble anxieux généralisé. Mais, si de nombreux patients se présentent d’emblée avec une plainte anxieuse facilement identifiable « je me sens nerveux, comme une pile électrique, je dors mal et je rumine », il est fréquent que les troubles somatiques soient au premier plan. « On a parlé de dépression masquée souligne le Dr Pelissolo mais il serait également licite de souligner l’existence de l’anxiété masquée ».

Le quotidien du patient.

Compte tenu du handicap de ce symptôme au quotidien, il est important de l’évoquer devant certains symptômes somatiques qui peuvent être d’ordre cardio-vasculaire (palpitations, tachycardie, douleurs précordiales diffuses…), respiratoires (dyspnée, étouffement, pesanteur thoracique…), digestifs (difficultés de déglutition, douleurs épigastriques ou abdominales, diarrhée, aérophagie, bouche sèche) ou encore polyurie, sueurs, rougeur, pâleur… Les signes neurologiques peuvent également être au-devant de la scène avec des sensations vertigineuses, des céphalées, des douleurs musculaires, des paresthésies, des modifications sensorielles, une insomnie ou un sommeil superficiel… Derrière ces signes d’appel, il faut rechercher les dimensions psychologiques plus ou moins visibles. Au plan psychologique, il peut s’agir d’un fond d’inquiétude, d’appréhension, d’anticipation négative chez un patient par ailleurs irritable et impatient. Ce ressenti psychologique entraîne fréquemment des troubles comportementaux à type d’inhibition ou d’agitation, de maladresse et de fuite. Le sujet est amené à mettre en place des stratégies d’évitement ou encore des rituels qui le rassurent quand il ne trouve pas cette aide dans la consommation d’alcool ! Ces troubles comportementaux ne sont pas toujours sur le devant de la scène lors de la consultation et il faut interroger le patient sur la façon dont se déroulent habituellement ses journées.

Deux tableaux d’anxiété.

L’une de ses principales formes d’anxiété peut être qualifiée d’aiguë réactionnelle. Le stress d’origine professionnelle en est souvent à l’origine. Le patient est nerveux, avec des somatisations classiques à type de maux de ventre, de douleurs dans le dos et de troubles du sommeil. Le handicap fonctionnel lié aux symptômes anxieux doit alors être évalué. Il n’est parfois que très léger, en rapport avec une réaction émotionnelle adaptative, modérée et transitoire, ou marqué et sévère nécessitant dans ce cas un traitement médicamenteux. Dans le trouble anxieux réactionnel, chez un patient actif, le choix de la molécule se porte sur une BZD de demi-vie longue pour privilégier si possible une prise vespérale. Dès la première prescription, le patient est informé de la durée, a priori courte de quelques jours à quelques semaines, du traitement et de la nécessité d’un arrêt progressif. L’anxiété étant une porte d’entrée vers de nombreuses autres pathologies, une réévaluation, à intervalles réguliers de la symptomatologie est nécessaire pour s’assurer de l’absence de développement d’un autre trouble tel qu’une dépression par exemple.

Les patients connus pour leur « inquiétude fondamentale » représentent l’autre forme la plus fréquemment retrouvée en consultation de ville. Ce trouble anxieux généralisé (TAG) est caractérisé par des symptômes durables, d’au moins 6 mois. Le patient se fait du souci pour tout : santé, famille, finance, travail et craint toujours le pire avec, à certaines périodes, une majoration des troubles accompagnés de somatisations, de difficultés d’attention et de concentration et d’une souffrance qui l’amène en consultation. Le recours aux benzodiazépines sur le moyen terme (4 semaines) est alors licite en envisageant d’emblée avec le patient une durée maximale de traitement. « Il est souvent nécessaire d’adjoindre chez ces patients une approche thérapeutique non médicamenteuse, applicable sur le long terme, comme la relaxation, la sophrologie et d’autres thérapies cognitivo-comportementales car le TAG est une pathologie durable. Une mise en place précoce de ces accompagnements psychologiques facilite le sevrage progressif des BZD et représente une bonne façon d’échapper au risque d’une chronicisation du traitement, » conseille le Dr Pelissolo. Les médecins rouennais approuvent cette marche à suivre, mais déplorent le manque de ressources humaines, qu’il s’agisse de psychologues ou de psychiatres, ce qui peut les mener à leur corps défendant à des situations qui se pérennisent. Le Dr Pelissolo confirme que « le problème de l’accès au spécialiste est une réalité propre à l’ensemble du territoire français, c’est pourquoi même rudimentaire, les livres d’apprentissage aux méthodes de relaxation peuvent apporter une aide appréciable ». « Il ne faut pas nier non plus, déplorent les généralistes, que certains patients reculent devant le coût d’une prise en charge par des psychologues où que d’autres soient réticents à l’idée d’une prise en charge psychiatrique qui évoque encore l’aliénisme dans leur imaginaire. » Reste enfin pour les généralistes un problème de temps « car pour être dans une démarche thérapeutique plus globale avec des prescriptions moindres de BZD, il faudrait des durées de consultation prolongées souvent peu compatible avec notre exercice ».

Sevrage progressif.

« En pratique, la bonne attitude consiste à éviter les consommations chroniques et prolongées. La prescription des BZD anxiolytiques ne doit pas dépasser 12 semaines, y compris la période de sevrage. L’arrêt du traitement doit se faire de façon très progressive sur plusieurs jours ou plusieurs semaines suivant la durée préalable du traitement et en fractionnant les doses journalières au maximum. » Les patients, à qui l’on propose un soutien le plus rapproché possible, doivent être prévenus de l’éventualité de voir survenir une symptomatologie en miroir par rapport aux propriétés des BZD avec des signes somatiques, psychiques, cognitifs et comportementaux de l’anxiété, agitation, excitabilité, voire convulsions.

Les risques de dépendance et de survenue d’un syndrome de sevrage sont très variables d’un patient à l’autre, mais sont globalement plus à craindre chez les consommateurs réguliers depuis plus de 6 mois, chez les personnalités pathologiques, chez les patients prenant des doses élevées ou chez les sujets ayant un niveau d’anxiété important au début du traitement. Les patients ayant un profil addictif (consommation régulière d’alcool ou de substances psychoactives) sont également plus sujets au syndrome de sevrage. La demi-vie des benzodiazépines influe également sur la facilité du sevrage. Les BZD à demi-vie longue sont préférables car elles évitent les variations brutales de concentration plasmatique.

Réunion organisée avec le soutien institutionnel du Laboratoire Sigma-Tau.

 Dr LAURIE DANJOU

Source : lequotidiendumedecin.fr