Près d’un tiers des femmes souffre d’une manifestation psychiatrique post-partum

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Publié le 19/09/2023

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

En 2021, près d’une femme accouchée en France hexagonale sur six présentait des symptômes de dépression du post-partum (DPP) à deux mois post-partum. Ces données sont tirées de l’Enquête nationale périnatale (ENP) 2021, qui, pour la première fois en six éditions, intègre un volet sur la santé mentale des mères. Autres constats : un peu plus d’un quart avait des manifestations anxieuses et un peu plus d’une femme sur 20 déclarait avoir des idées suicidaires. Au total, c'est près d'un tiers des femmes qui présentent des troubles psychiatriques après l'accouchement.

Si ces résultats sont à placer dans le contexte de la pandémie (les femmes incluses ont accouché au cours de la troisième vague de Covid en mars 2021), ils n'en soulignent pas moins la nécessité d’un dépistage systématique des manifestations psychiatriques en période postnatale. Les troubles psychiatriques du post-partum ont des « conséquences délétères » sur la mère et le nouveau-né, est-il rappelé dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 18 septembre, qui en détaille les résultats.

Présentée en congrès en février dernier, l’étude a porté sur 7 133 femmes accouchées en France hexagonale sur une semaine donnée de mars 2021 et ayant complété les 10 items de l’auto-questionnaire Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS) à deux mois post-partum.

Près d’un tiers (31,3 %) présentait au moins une des trois manifestations dépistées (DPP, anxiété, idées suicidaires). La prévalence de la DPP était de 16,7 %, celle de l’anxiété de 27,6 % (83,2 % parmi les femmes présentant une DPP) et celle des idées suicidaires de 5,4 % (23,8 % parmi les femmes atteintes de DPP).

Cumul des troubles

« Différentes manifestations cliniques peuvent s’entremêler », est-il souligné. Ainsi, 20,8 % des femmes avec une DPP souffrent aussi d’anxiété et d’idées suicidaires. Parmi les anxieuses à deux mois, la moitié (50,3 %) était également considérée comme présentant une DPP et 14,3 % présentaient des idées suicidaires. Et, près d’une femme anxieuse sur huit (12,6 %) présentait une dépression et des idées suicidaires. Sur ce cumul des troubles, « certains auteurs discutent l’existence de forme spécifique de DPP avec des manifestations anxieuses, d’autres évoquent la comorbidité entre les deux », indiquent les auteurs du BEH.

Des disparités régionales sont également relevées dans les prévalences (après standardisation sur l’âge) : de 11,4 % en Bourgogne-Franche-Comté, à 21,7 % en Centre-Val de Loire pour la DPP ; pour l’anxiété, de 21,2 % en Normandie à 33,9 % en Centre-Val de Loire. Ces différences « pourraient être liées aux caractéristiques des femmes qui résident sur ces territoires, tant sur le plan socio-démographique (précarité, statut migratoire récent, etc.), que sur leurs histoires obstétricales ou psychiatriques », avancent les auteurs, incitant à des études complémentaires.

Malgré les disparités, ces estimations sont « en accord avec les données internationales sur la santé mentale périnatale. Ils soulignent le caractère fondamental des politiques de prévention et la nécessité d’une adaptation de l’offre de soins en psychologie/psychiatrie, en adéquation avec les besoins importants décrits », lit-on.

Dépister systématiquement

Les auteurs invitent à « rentabiliser chaque questionnaire EPDS » en exploitant les items utiles au dépistage de la dépression et de l’anxiété périnatales. Le calcul du score de l’EPDS-3A « en parallèle du score global de l’EPDS » permet « de ne pas limiter le dépistage aux seules femmes présentant une dépression », plaident-ils.

Ce score évalue notamment les symptômes anxieux de la mère sur la dernière semaine par la réponse à trois questions : « vous êtes-vous reprochée, sans raison, d’être responsable quand les choses allaient mal ? » ; « vous êtes-vous sentie inquiète ou soucieuse sans motif ? » et « vous êtes-vous sentie effrayée ou paniquée sans vraiment de raisons ? ». Un autre item de l’EPDS permet spécifiquement d’évaluer le risque suicidaire.

« L’EPDS, malgré ses limites, peut permettre à lui seul d’aider le clinicien dans ce triple dépistage universel des femmes en post-partum », encouragent les auteurs. Selon eux, les femmes « accueillent favorablement ces dépistages », qui, s’ils étaient systématiques, pourraient être « la première étape » d’une prise en charge adaptée.


Source : lequotidiendumedecin.fr