À qui le titre de psychothérapeute

Publié le 27/05/2009
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DRS MICHEL MEIGNANT*, PIERRE CANOUÏ**, CHARLES GELLMAN***

LE PROJET DE LOI sur la réglementation du « titre de psychothérapeute », actuellement en débat au Sénat, risque fort d’aller à l’encontre des intentions de ses promoteurs, qui est de protéger les usagers contre des imposteurs. Aussi, la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P), qui partage entièrement le même objectif de réglementation, ne peut que mettre en garde les élus et les citoyens contre les pseudo-garanties que cette loi votée - à la hâte et sans concertation préalable - par l’Assemblée nationale, risquerait d’entraîner. Et cela pour les sept raisons suivantes :

1- La profession de psychothérapeute implique une formation spécifique, à part entière. Le projet de loi ne l’impose pas.

2- Le projet de loi considère que la formation en psychopathologie est la condition nécessaire et suffisante à l’attribution du titre. Devenir psychothérapeute impose d’avoir fait soi-même un travail thérapeutique et suivi un parcours de formation théorique et méthodologique, accompagné de supervision. Cela seul peut attester de la compétence du futur psychothérapeute.

3- L’erreur, qui s’ensuit, d’accorder sans autre exigence de formation, le titre de psychothérapeute à des professionnels non formés à cette discipline : être médecin, ce n’est pas être automatiquement chirurgien… ni psychothérapeute. Le public ne sait pas qu’être diplômé en psychologie clinique ne donne pas de facto une compétence en psychothérapie.

Des milliers de hors-la-loi.

4- Le refus d’ouvrir la formation de psychothérapeute à des travailleurs sociaux, éducatifs ou paramédicaux (et autres), particulièrement bien préparés, par leur riche expérience relationnelle de terrain, à l’exercice de cette profession - qui exige 4 à 6 années de formation, selon les écoles et les méthodes - est une injustice et une erreur de jugement, en matière de santé publique.

5- La valorisation d’une seule approche ou méthode (la psychanalyse) par rapport à d’autres - sans justification, ni scientifique, ni juridique - va à l’encontre du bon sens, de la science et de l’équité. Pour les uns comme pour les autres, la formation s’effectue en effet selon des critères voisins, dans des instituts privés.

6- Le projet de loi mettrait hors la loi des milliers de psychothérapeutes authentiquement formés et inscrits dans les annuaires des associations qui les représentent et créerait ainsi un no man’s land où s’infiltreraient plus facilement encore des charlatans, faux « psychothérapeutes » autoproclamés, sans formation, ainsi que des groupes sectaires aux noms prometteurs...

7- Le projet de loi ignore le travail d’auto-organisation, de réglementation et de déontologie assuré depuis des années par la profession elle-même, au lieu de s’appuyer au contraire sur ce long travail de validation authentique des formations et des pratiques, conforme aux normes instituées par l’Association européenne de psychothérapie (EAP), qui regroupe 120 000 professionnels certifiés, dans 40 pays.

En conclusion, nous ne pouvons que profondément regretter l’insuffisance de coopération réelle et confiante des pouvoirs publics avec les organisations professionnelles nationales représentatives des psychothérapeutes qualifiés - ce qui serait pourtant le meilleur moyen pour éviter que les bonnes intentions du législateur ne favorisent « l’enfer » contre lequel il prétend lutter.

* Médecin, psychothérapeute, président de la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P), représentant l’Association européenne de psychothérapie (EAP) auprès du Conseil de l’Europe.

** Pédopsychiatre à l’hôpital Necker (Paris), psychothérapeute, docteur en éthique médicale, vice-président de la FF2P.

*** Neuropsychiatre, psychothérapeute, vice-président de la FF2P.

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Le Quotidien du Mdecin

Source : lequotidiendumedecin.fr