Fractures vertébrales

Comment juguler le phénomène de cascade ?

Publié le 08/04/2019
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Entrée clinique proposition 2

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Crédit photo : Phanie

Entrée clinique proposition 1

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Crédit photo : Phanie

Fractures ostéoporotiques les plus fréquentes (1), les fractures vertébrales (FV) constituent un facteur de risque important de récidive : 20 % des patients présentant des FV incidentes vont en avoir une nouvelle l’année suivante (2). En effet, le risque de récidive fracturaire est maximal dans les deux premières années, d’où cette notion de risque imminent (3). Les FV exposent aussi à une augmentation de la mortalité qui rejoint celle des fractures de hanche, à 10-15 ans (4). De plus, un patient ayant eu une FV sera plus à risque d’en faire ultérieurement, pouvant conduire à un phénomène de cascade de FV (CFV). Dans la littérature, il n’existe pas de définition précise de cette CFV, tant en termes de nombre de fractures nécessaires que de délai de survenue.

Les FV sont de causes multifactorielles et liées à l’intervention de nombreux facteurs mécaniques d’origines osseuses (densité minérale, qualité), rachidiennes locales et générales (courbure rachidienne) et neurophysiologiques (5). Ces FV peuvent entrainer une perte de mobilité pouvant engendrer un déficit osseux et musculaire supplémentaire. Les modifications de la statique rachidienne et la fonte musculaire accroissent le risque de chutes, qui concourt à l’augmentation du risque de fractures ostéoporotiques. Outre ces facteurs mécaniques, il a également été rapporté de nombreux cas de CFV d’origine génétique, endocrinienne, toxique, inflammatoire…

Une complication de la fragilité osseuse

Réalisée sous la direction du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) et de la Société française de rhumatologie (SFR), l’étude CASVOS (CAScade de fractures Vertébrales OStéoporotiques) est la seule à décrire les étiologies et les facteurs de risque des CFV (6). 113 patients, issus de 10 centres en France, ont été inclus. Près de 50 % des patients avaient un antécédent de fracture majeure ostéoporotique avant la CFV et près d’un tiers avait une FV prévalente.

Dans 54 % des cas, aucune cause secondaire n’a été retrouvée, suggérant que la CFV est une complication grave et directe de la fragilité osseuse. Dans les autres cas, la cause secondaire la plus fréquemment retrouvée était l’ostéoporose cortisonique. Si une CFV ne survient pas forcément après l’arrêt de médicaments anti-ostéoporotiques, il convient néanmoins d’encadrer l’arrêt de traitement anti-résorptif sans effet rémanent. Des études prospectives seront nécessaires pour explorer les déterminants de cette complication sévère de l’ostéoporose.

Des recommandations sur la prise en charge des fractures

Concernant la conduite à tenir pour la prise en charge générale des FV ostéoporotiques, les recommandations de l’European league against rheumatism (EULAR) et de l’European Federation of National Associations of Orthopaedics and Traumatology (EFORT) ont été publiées en 2017 (7). Elles stipulent la mise en place d’un traitement antalgique, une modification des activités physiques et de la vie quotidienne ainsi qu’une immobilisation par corset. Cependant, l’alitement doit être le plus court possible en raison des complications liées au décubitus et à la fonte musculaire post-immobilisation. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens sont envisageables mais il conviendra d’être prudent et de tenir compte du terrain, notamment de l’âge et des comorbidités de la population ciblée. Les recommandations ne présentent pas de conclusions claires concernant la vertébroplastie ou la kyphoplastie. Par contre, il est important d’insister sur la prise en charge kinésithérapique incluant une éducation relative aux activités de la vie quotidienne, un programme de rééducation avec un travail en charge et de l’extension rachidienne, une amélioration de l’équilibre et une prévention des chutes.

Attention à l’effet rebond du dénosumab

Concernant le cas particulier des FV observées à l’arrêt du dénosumab, l’effet rebond constaté suite au traitement se traduit par une augmentation du remodelage osseux, une perte de la densité osseuse et une hausse du risque de FV multiples (8). Des recommandations publiées en 2017 (9), suite à une revue de littérature, suggèrent de réévaluer le patient après cinq ans de traitement par dénosumab. S’il est à haut risque fracturaire, il est possible de continuer le dénosumab pendant dix ans puis de réévaluer ou de mettre en place un traitement alternatif. En cas de faible risque fracturaire, le dénosumab peut être stoppé mais des bisphosphonates doivent être envisagés en relais pour diminuer l’effet rebond, sinon la poursuite du dénosumab sera à considérer.

En cas de traitement par bisphosphonates à l’arrêt du dénosumab, il convient d’attendre que leur adsorption puisse être maximale avant de les débuter (un certain degré d’activation du remodelage osseux étant nécessaire), soit respectivement 6 et 9 mois après la dernière injection de dénosumab pour les bisphosphonates administrés par voie orale et intraveineuse (10).

(1) Johnell O, et al.Osteoporos Int. 2006 Dec;17(12):1726-33.
(2) Lindsay R, et al. JAMA 2001 Jan 17;285(3):320-3.
(3) Van Geel TA, et al. Ann Rheum Dis. 2009 Jan;68(1):99-102.
(4) Bliuc D, et al. JAMA 2009 Feb4;301(5):513-21. 
(5) Briggs AM, et al. Osteoporos Int. 2007 May;18(5):575-84.
(6) Che H, et al.Osteoporos Int. 2018 Dec 5. doi: 10.1007/s00198-018-4793-1.
(7) Lems WF, et al. Ann Rheum Dis. 2017 May;76(5):802-10. 
(8) Lamy O, et al.Praxis (Bern 1994). 2018 Jun;107(12):649-54.
(9) Tsourdi E, et al. Bone. 2017 Dec;105:11-17.
(10) Chapurlat R, Joint BoneSpine. 2018 Oct;85(5):515-7.

Dr Hélène Ché, rhumatologue à l'hôpital Lapeyronie, Montpellier

Source : Bilan Spécialiste