Polyarthrite rhumatoïde

Dr Samuel Bitoun (AP-HP) : « L’apparition d’anticorps anti-médicaments peut être une cause fréquente d’épuisement d’effet des traitements biologiques »

Publié le 29/11/2023
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Une récente étude (*) confirme que la présence d’anticorps anti-médicaments contre certaines biothérapies est associée à une diminution de la réponse thérapeutique. La recherche de ces anticorps anti-médicaments devrait être envisagée chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, non-répondeurs aux traitements biologiques, comme l’explique le Dr Samuel Bitoun (Hôpital Bicêtre, AP-HP), premier auteur de l’étude.

LE QUOTIDIEN : Quel a été le rationnel de votre étude ?

 Dr SAMUEL BITOUN : Les données de la littérature concernant l’existence d’une association entre anticorps anti-médicaments et réponse aux biomédicaments utilisés dans la polyarthrite rhumatoïde sont contradictoires.

Dans le cadre du projet Européen ABIRISK coordonné par le Pr Marc Pallardy (Université Paris-Saclay et INSERM), le Pr Xavier Mariette, chef du service de rhumatologie de l’hôpital Bicêtre AP-HP, a mis en place, avec l’Université Paris-Saclay et l’Inserm, une cohorte prospective internationale de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) afin d’étudier l’effet de l’apparition d’anticorps dirigés contre les biomédicaments, sur la réponse clinique aux biomédicaments. Les données de l’étude multicentrique et prospective ABI-RA, menée dans 27 centres répartis sur 4 pays européens (France, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) ont été analysées. Les patients inclus étaient des adultes atteints de PR et initiant un nouveau traitement par un biomédicament (adalimumab, infliximab, étanercept, tocilizumab, rituximab). Ils ont été évalués tous les 3 mois pendant 12 mois pour la présence d’anticorps anti-biomédicament. Le critère principal d'évaluation était la réponse EULAR au traitement à 12 mois. 

Quels en sont les principaux résultats ?

Au total, les données de 230 patients (âge moyen 54,3 ans, 77 % de femmes) atteints de PR ont été analysées. À 12 mois, la positivité des anticorps anti-médicaments était de 38,2 % chez les patients traités par anti-TNF monoclonaux (adalimumab, infliximab), de 6,1 % sous étanercept, 50 % sous rituximab et 20 % sous tocilizumab. La positivité persistante des anticorps anti-médicaments (au moins 2 points positifs, plus proche de la réalité) était de 17 % chez les patients traités par anti-TNF monoclonaux, de 0 % sous étanercept, de 30 % sous rituximab et de 10 % sous tocilizumab.

Une association inverse a été observée entre la positivité des anticorps anti-médicaments dirigées contre tous les médicaments biologiques et la réponse EULAR à 12 mois : (OR 0,19 [0,09-0,38], p <0,001).

Dans l’analyse par molécule, cette association négative significative a été observée pour les anticorps anti-médicaments contre les anti-TNF monoclonaux (adalimumab et infliximab), mais pas contre l’étanercept dont les anticorps sont connus pour ne pas être neutralisants. Elle a aussi été montrée, pour la première fois, pour les anticorps anti-médicaments contre le tocilizumab dans une autre analyse prenant en compte toutes les visites après 6 mois. En analyse multivariée, la présence d’anticorps anti-médicaments, l’indice de masse corporelle, et la positivité au facteur rhumatoïde étaient indépendamment et inversement associés à la réponse au traitement.

Un co-traitement par méthotrexate était associé à la protection contre la survenue d’anticorps anti-biomédicaments (OR, 0.50 ; 95% CI, 0.25-1.00 ; p = .05)

En pratique, quels enseignements peut-on en tirer ?

Cette étude montre que l’apparition d’anticorps anti-biomédicaments peut être une cause fréquente d’épuisement d’effet des traitements biologiques dans la polyarthrite rhumatoïde. Il faudrait dès lors effectuer cette recherche en cas de non-réponse ou d’épuisement de réponse au traitement biologique. Il s’agit d’un « monitoring réactif »

Mais ce dosage des anticorps anti-médicaments n’est actuellement disponible qu’à l’hôpital. Des tests rapides utilisables par les rhumatologues de ville seraient une perspective intéressante pour le futur.

En cas de positivité d’un anticorps anti-médicament anti-TNF par exemple un autre médicament de la même classe peut être alors proposé alors qu’en l’absence d’anticorps il serait logique de changer de classe.  

*Bitoun S et al Response to biologic drugs in patients with rheumatoid arthritis and antidrug antibodies JAMA Netw Open. 2023;6 (7):e2323098.

Propos recueillis par Christine Fallet

Source : lequotidiendumedecin.fr