Les demandes d’aménagement de poste et de mi-temps thérapeutique en hausse, selon les médecins du travail

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Publié le 15/06/2015

Le ressenti des médecins du travail sur l’augmentation des arrêts de durée en nombre ou en durée varie selon leur territoire d’exercice ou les secteurs d’activité des salariés dont ils assurent le suivi. Néanmoins, le premier constat reste une augmentation des arrêts de plus longue durée, en lien avec les risques psychosociaux (RPS). « Ce sont des managers, des postes à haut niveau qui ont des troubles psychologiques ou risquent le burn-out », témoigne le Dr Martine Keryer, médecin du travail en service interentreprise dans le tertiaire, à Paris, et secrétaire nationale CFE-CGC. « Ils ne sont plus décisionnaires et doivent appliquer des ordres qui ne font pas sens et ne sont pas en adéquation avec leurs valeurs », analyse-t-elle.

« Les troubles musculo-squelettiques (TMS) arrivent derrière les RPS, surtout en Ile-de-France, où il y a moins de production. Les problèmes psychiques prennent plus de temps à se résoudre, surtout lorsque l’organisation de l’entreprise n’est pas optimale », constate pour sa part le Dr Vinh Ngo, médecin du travail au centre interentreprises et artisanal de santé au travail à Paris.

« La mise à distance du travail apparaît parfois comme la seule thérapie », enchérit le Dr Gérald Demortière, médecin en service interentreprise dans la banlieue nord de la capitale.

Augmentation des visites de pré-reprise

Les demandes d’aménagement de poste ou de reprise à temps partiel sont aussi plus nombreuses. « Les visites de pré-reprise ont été multipliées par 4 ces dernières années : cela nous permet d’émettre des préconisations à l’adresse des entreprises (aménagement, reclassement, formation) ou des médecins conseil », commente le Dr Ngo.

« On connaissait bien les demandes de mi-temps thérapeutiques à la suite d’un cancer ou d’un infarctus. Maintenant, on en voit de plus en plus après des arrêts de deux mois pour troubles psychologiques », observe le Dr Pierre Padzunass, médecin du travail dans la région de Lyon, dans le nucléaire. « Beaucoup de salariés demandent aussi des aménagements de poste, du sur-mesure », poursuit-il. Des doléances auxquelles il n’est pas toujours facile de répondre, par manque de mobilité dans les entreprises, notamment.

Nomadisme médical

Les médecins du travail soulignent « le nomadisme médical ». Le Dr Padzunass va jusqu’à dénoncer un certain laxisme de certains médecins de ville qui se spécialisent « dans la paperasse, gagnant une clientèle, non une patientèle ». « Un salarié victime d’un vrai problème médical, nécessitant 9 mois d’arrêt, a eu 2,5 ans », raconte-t-il. Le Dr Demortière a reçu un salarié arrêté pour une entorse bénigne ayant eu 18 mois d’arrêt. « Des arrêts trop prolongés ne sont pas toujours bons pour la personne, ni pour le collectif, car cela retentit sur ceux qui sont en bonne santé », estime-t-il.

Le diagnostic est partagé sur les causes du phénomène : malaise social, dialogue rouillé, défauts de formation, perte des valeurs et du sens. Comme remède, les médecins du travail veulent davantage miser sur la prévention primaire en entreprise, pour rendre au travail ses vertus positives.

Coline Garré

Source : lequotidiendumedecin.fr