Le voyage des mitochondries

Les neuropathiques expliquées

Publié le 10/03/2011
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LES DOULEURS neuropathiques affectent les extrémités (pieds et mains) bien avant les autres parties du corps. Cela pourrait être, selon une équipe de l’Université Johns Hopkins (Ahmet Hoke et coll.), du fait des mitochondries, sources d’énergie. Les mitochondries connaissent un turnover relativement rapide dans la plupart des cellules de l’organisme, avec un remplacement quasi mensuel. Celles qui sont présentes dans les cellules nerveuses, en revanche, doivent vivre beaucoup plus longtemps pour s’adapter au long trajet à faire du corps cellulaire jusqu’à l’extrémité du nerf parfois éloignée. Ainsi, les axones des cellules qui innervent le pied peuvent atteindre 1,20 mètre de long. Selon Hoke, la mitochondrie peut mettre de 2 à 3 ans pour voyager à partir du corps cellulaire médullaire jusqu’au pied.

La processus de vieillissement intervient dans cette situation. Les auteurs ont examiné des prélèvements de nerfs obtenus au cours d’autopsies chez des personnes souffrant de neuropathie associée au VIH (n = 11) ou non (n = 13) et de sujets exempts de neuropathie. Ils se sont intéressés à l’ADN des mitochondries qui est indépendant de l’ADN nucléaire. Ils ont comparé les ADN mitochondriaux des corps cellulaires et des extrémités des nerfs.

30 fois plus nombreuses à la cheville.

Les mutations, sous la forme de délétions, d’une partie de cet ADN sont 30 fois plus nombreuses à la cheville que dans le corps cellulaire médullaire. Chez une personne n’ayant pas de neuropathie, les mutations sont seulement trois fois plus nombreuses quand on fait la même comparaison.

Hoke explique que, alors que la mitochondrie fait son trek de la cellule rachidienne jusqu’au bout de l’axone, son ADN accumule des mutations avec l’âge. Ces mitochondries plus vieilles pourraient être plus vulnérables aux attaques associées à la maladie neuropathiante que les jeunes mitochondries situées près de la moelle épinière. Et devenir dysfonctionnelles en premier.

Sur un modèle simien de neuropathie liée au VIH, les auteurs ont par ailleurs confirmé le déficit de l’activité des mitochondries.

Ces observations expliquent pourquoi les personnes plus âgées ou de plus grande taille présentent une plus grands susceptibilité aux neuropathies. Si cette découverte se confirmait, elle pourrait conduire à des approches spécifiques visant la santé des mitochondries pour aborder les neuropathies.

Annals of Neurology, mis en ligne le 3 mars 2011.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8920