Ostéoporose

Traitement par dénosumab : combien de temps ?

Publié le 08/11/2017
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Crédit photo : Phanie

Pour les bisphosphonates, nous avons été longtemps rassurés par des données à long terme (7 à 10 ans) qui nous incitaient à préconiser une durée longue de traitement. Au milieu des années 2000, les premiers cas de fissures fémorales atypiques ont été décrits et il est rapidement apparu que le traitement prolongé par bisphosphonates était un facteur majeur de risque de leur survenue. Cela a abouti à la recommandation de limiter une séquence de traitement pendant 3 à 5 ans, avec possibilité d’une pause thérapeutique si les évaluations cliniques et densitométriques le permettent. Cette attitude est aussi rendue possible par l’action osseuse rémanente des bisphosphonates.

Qu’en est-il pour des médicaments dont l’action sur les cellules osseuses ne persiste pas après l’arrêt ? Pour le raloxifène comme pour le traitement œstrogénique, l’arrêt est rapidement suivi d’une augmentation de la résorption et de la perte osseuse. Pour le tériparatide, l’effet anabolique et le gain de densité minérale osseuse s’évanouissent dans les mois qui suivent l’arrêt. Ainsi, pour ces traitements, un relais est préconisé pour maintenir l’effet bénéfique osseux.

Un risque de fracture vertébrale à l’arrêt du dénosumab

Dès les premières phases du développement, il est apparu que l’interruption d’un traitement par dénosumab était suivie d’une reprise, voire d’un rebond, de la résorption et d’une perte rapide du gain densitométrique (1). L’effet sur l’évolution du risque de fracture n’a pas été immédiatement évalué et les premières données, issues de l’essai FREEDOM, étaient plutôt rassurantes. En effet, des fractures à expression clinique étaient observées, après arrêt du traitement, chez 9 % des patients traités par placebo et 7 % pour le dénosumab. De plus, l’incidence des fractures vertébrales n’était pas supérieure chez les patients ayant arrêté le traitement par dénosumab par comparaison au groupe placebo (2).

Par la suite, plusieurs rapports de cas ou séries d’observations ont tiré la sonnette d’alarme, signalant une augmentation de l’incidence des fractures, notamment vertébrales, voire des cascades fracturaires dans les mois suivant l’arrêt de ce traitement (3,4).

Ces données posent clairement la question de la stratégie d’utilisation de ce médicament, encore récent. Le comité « Pratiques professionnelles » de l’European Calcified Tissue Society a conduit une analyse systématique de la littérature identifiant 13 publications où le risque de fracture était évalué ou rapporté après arrêt du dénosumab (1). Ce comité conclut que les données disponibles suggèrent, sans formellement le démontrer, une augmentation du risque de fracture vertébrale après arrêt du dénosumab. Les cliniciens et les patients doivent donc être conscients de ce risque potentiel.

Ne pas arrêter le dénosumab sans traitement de relais

Les recommandations de ce comité pour la prise en charge des patients sont les suivantes :

1. une réévaluation doit être effectuée après 5 ans de traitement par dénosumab ;

2. les patients considérés comme étant à risque élevé de fracture doivent soit poursuivre le traitement par le dénosumab (pendant une période allant jusqu'à 10 ans), soit recevoir un autre traitement ;

3. chez les patients à faible risque, la décision d'interrompre le traitement par dénosumab pourrait être prise après 5 ans, mais un traitement par bisphosphonates devrait être envisagé pour réduire ou prévenir l'augmentation du rebond du remodelage osseux.

Cependant, la durée maximale d’un traitement par dénosumab et le régime bisphosphonate optimal post-dénosumab sont actuellement inconnus de même que leurs risques (ostéonécrose de mâchoire, fissures fémorales atypiques notamment). Des essais en cours devraient répondre à ces questions dans les prochaines années.

D’après les données actuelles, le traitement par dénosumab ne doit pas être arrêté sans envisager un traitement de relais afin d'éviter une perte rapide de la densité minérale osseuse (DMO) et un rebond potentiel du risque de fracture vertébrale. L’évaluation du rapport bénéfice/risque de ce traitement de relais par un bisphosphonate est en cours…

(1) Tsourdi E et al. Discontinuation of denosumab therapy for osteoporosis: a systematic review and position statement by ECTS. Bone 2017;105:11-7
(2) Brown JP. Discontinuation of denosumab and associated fracture incidence: analysis from the fracture reduction evaluation of denosumab in osteoporosis every 6 months (FREEDOM) trial. J Bone Miner Res 2013;28:746-52
(3) Lamy O et al. Severe rebound-associated vertebral fractures after denosumab discontinuation: 9 clinical cases report. J Clin Endocrinol Metab 2017;102:354-8
(4) Anastasilakis AD et al. Clinical features of 24 patients with rebound-associated vertebral fractures after denosumab discontinuation: systematic review and additional cases. J Bone Miner Res 2017;32:1291-6

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr