Dénosumab

Un anticorps difficile à apprivoiser

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Publié le 26/04/2018
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fracture dorsale

fracture dorsale
Crédit photo : Phanie

Le dénosumab est un anticorps monoclonal humain qui inhibe la maturation et l’activité des ostéoclastes en se liant au RANKL et en bloquant son activité.

Les études montrent que, chez les femmes ostéoporotiques postménopausiques, il diminue la résorption osseuse, augmente la densité minérale osseuse (DMO) et réduit de manière significative l’incidence des fractures. Après trois ans de traitement, il diminue le risque de fractures vertébrales radiologiques de 68 %, de fractures cliniques non vertébrales de 28 % et de fracture de la hanche de 40 %.

Le gain de DMO se maintient au moins dix ans et atteint 21,7 % au rachis et 9 % à la hanche (extension de l’étude FREEDOM).

Un effet rebond important à son arrêt

Contrairement aux bisphosphonates, dont l’arrêt s’accompagne d’une rémanence pouvant durer plusieurs années, l’efficacité du dénosumab cesse après six mois. En effet, après administration sous-cutanée, la molécule est progressivement éliminée ; son efficacité se limite donc à la durée du traitement.

De plus, l’arrêt du traitement est associé à un effet rebond important : le remodelage osseux est accru, avec une perte rapide de la DMO. « Il s’agit bien d’un effet rebond qui apparaît très rapidement, et non d’une perte d’effet progressive », précise le Dr Bérengère Aubry-Rozier (Lausanne).

Après plus d’une injection de 60 mg, l’arrêt du dénosumab induit une augmentation des β-crosslaps (marqueurs de résorption osseuse) au-dessus des valeurs initiales pendant deux ans et une diminution de la DMO, rejoignant sa valeur initiale après un an. Indépendamment de la durée du traitement, l’augmentation de la DMO lombaire est partiellement ou totalement perdue dans l’année suivant l’arrêt du traitement.

La Suisse est le premier pays au monde à avoir informé sur des fractures vertébrales multiples (FVM) spontanées survenant avec ce rebond. Le dénosumab y a en effet été très largement prescrit, car il peut être utilisé en première intention (contrairement à la France). « Notre groupe a été le premier à rapporter, en 2015, les cas de trois femmes ayant présenté des FVM à l’arrêt du dénosumab. Depuis, plusieurs autres cas de FVM spontanées ont été signalés, rapporte le Pr Olivier Lamy. Nous suivons actuellement 37 personnes avec des FVM à l’arrêt du dénosumab, et plus de 110 cas ont été déclarés à la pharmacovigilance suisse. Nous n’avons pas de données certaines concernant leur incidence. »

Que faire à l’arrêt du dénosumab ?

Au bout de quelques années, les patientes arrêtent le traitement, d’autant qu’elles n’ont plus d’ostéoporose, et aucune étude randomisée n’a été, à ce jour, publiée sur les stratégies permettant d’éviter ou de limiter le rebond.

Globalement, sur la base des cas rapportés, deux stratégies peuvent être identifiées : utiliser des antirésorbeurs avant le dénosumab ou à l’arrêt de ce dernier. Une série de cas suggère que donner un bisphosphonate avant le dénosumab limite l’effet rebond à l’arrêt de ce dernier, mais cela n’éviterait pas les FVM selon une autre série. « En l’état actuel, on peut dire qu’il ne faut pas donner le dénosumab en 1re intention », insiste le Pr Olivier Lamy (Lausanne).

Quant au traitement par bisphosphonate après l’arrêt du dénosumab, il est certainement préférable d’en choisir un puissant, comme l’alendronate ou le zolédronate. « Comme les bisphosphonates se déposent dans les lacunes de résorption osseuse, il faut attendre que les marqueurs du remodelage osseux augmentent pour en administrer un par perfusion », explique les deux spécialistes. Des dosages doivent être effectués tous les mois, 6 mois après la dernière injection de dénosumab, pour définir à quel moment faire la perfusion. Cela a moins d’importance pour un traitement oral administré de façon répétée. Cependant, une fois le traitement oral ou par perfusion commencé, il faut continuer à suivre les marqueurs tous les 2 à 3 mois pour adapter la posologie ou changer de traitement.

« En pratique, concluent les deux spécialistes lausannois, nous pensons qu’il faut bien poser l’indication du dénosumab avant de le prescrire, car on ne sait pas encore bien comment l’arrêter. De toute façon, cet arrêt doit être accompagné par un spécialiste qui pourra mettre en place un suivi adéquat. Des études sont en cours pour répondre à ces nombreuses questions restant en suspens. »

Exergue : "La Suisse est le premier pays à avoir informé sur des fractures vertébrales multiples spontanées survenant avec l'effet rebond"

D'après un entretien avec le Dr Bérengère Aubry-Rozier et le Pr Olivier Lamy, CHU vaudois, Lausanne

Christine Fallet

Source : Bilan Spécialiste