Traitement de l’arthrose

Une révision de l’OARSI

Publié le 07/04/2011
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MALGRÉ LA très forte prévalence de l’arthrose dans les sociétés occidentales, près de 40 % des plus de 65 ans, et le coût économique que représente sa prise en charge, jusqu’en 2008, les seules recommandations internationales de prise en charge de l’arthrose de la hanche et du genou existantes étaient celles publiées par l’European League Against Rheumatism (EULAR) en 2003. Il s’agissait de recommandations succinctes et ne concernant qu’une partie de la thérapeutique rassemblée en 10 items. Elles ont été, de plus, discutées pour leur difficulté d’application. Par ailleurs, certaines pratiques recommandées faisaient référence à des aspects thérapeutiques nationaux ou régionaux, remettant en cause l’aspect international de ces recommandations.

C’est pourquoi, en 2008, l’Osteoarthritis Research Society International (OARSI) a publié des recommandations plus détaillées, étudiant tous les aspects de la thérapeutique pharmacologique, non pharmacologique et chirurgicale. Ces recommandations, traduites en français en 2009 dans la « Revue du Rhumatisme » par les membres de la section Arthrose de la Société Française de Rhumatologie, sont basées sur une revue systématique de la littérature jusqu’au 31 janvier 2006 et la recherche d’un consensus entre experts internationaux.

La taille de l’effet comme critère d’évaluation.

Chaque modalité thérapeutique était classée selon le niveau de preuve, le niveau de consensus des experts, la force de la recommandation, et faisait l’objet d’un calcul de la taille de l’effet (TE) pour les variables continues suivantes : réduction de la douleur et amélioration de la fonction, ainsi que du taux d’émergence dans les listes de recommandations. La TE permet d’évaluer de façon standardisée l’ampleur de l’effet d’une thérapeutique sur un critère principal commun, en poolant les résultats de plusieurs études. Elle est calculée en divisant la moyenne des différences entre tous les résultats du groupe traitement et tous les résultats du groupe témoin par la déviation standard de ces différences. D’un point de vue clinique, une TE de 0,2 est considérée comme faible (et donc la différence d’effet entre les deux groupes est faible), de 0,3 à 0,8 comme moyenne et supérieure à 0,8 comme importante.

L’OARSI a édicté 25 recommandations thérapeutiques. Les recommandations non pharmacologiques concernent l’accès à l’information et à une éducation thérapeutique, la perte de poids, la kinésithérapie et les exercices, les aides à la marche, les appareillages par semelles orthopédiques ou chaussures adaptées, la thermothérapie, la neurostimulation électrique transcutanée et l’acupuncture. Les traitements pharmacologiques étudiés sont : le paracétamol, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) per os, les AINS et la capsaïcine topiques, les injections intra-articulaires de corticoïdes et d’acide hyaluronique, la glucosamine et/ou la chondroïtine sulfate, la diacéréine, les opiacés faibles et les analgésiques narcotiques. Les traitements chirurgicaux analysés sont : le lavage articulaire et le débridement arthroscopique, les prothèses articulaires, l’ostéotomie et les techniques chirurgicales conservatrices avec préservation de l’articulation, et l’arthrodèse.

Depuis 2006, de nombreuses publications concernant l’arthrose sont parues. Afin de mettre à jour les recommandations publiées en 2008, l’OARSI a procédé à une analyse de ces publications jusqu’au 31 janvier 2009, permettant de recalculer les TE de chacun des 25 tems. Ont été retenus 64 revues systématiques, 21 études d’évaluation économique et 266 essais contrôlés. Ces nouvelles données ont été publiées en 2010 dans la revue « Osteoarthritis and Cartilage ». Il ne s’agit donc pas de nouvelles recommandations mais d’une réévaluation de la TE des thérapeutiques à la vue des publications plus récentes. La plupart des TE restent inchangées ou font l’objet de variations minimes sans réelle pertinence clinique.

Des changements significatifs pour 4 items.

Pour certains items cependant, des changements plus importants dans le sens de l’augmentation ou de la baisse des TE méritent d’être considérés. Ainsi, parmi les traitements non-pharmacologiques, les auteurs retrouvent une augmentation de la TE de la perte de poids, qui devient désormais statistiquement significative, variant de 0,13 (95 % CI -0,12, 0,36) en 2008 à 0,20 (95 % CI 0,00, 0,39) en 2010. À l’inverse, la TE de l’électrothérapie qui était modérée en 2008 devient faible (0,77 vs 0,16). Parmi les techniques chirurgicales, le lavage articulaire avec débridement n’apparaît plus supérieur au placebo. Enfin, parmi les traitements pharmacologiques, s’il n’y a pas de changement pour les TE des AINS, des corticoïdes injectables ou de la diacéréine, les TE de l’acide hyaluronique, de la chondroïtine sulfate et des insaponifiable diminuent légèrement. Mais le changement le plus significatif concerne la TE du paracétamol qui passe de 0,21 à 0,14, et même à 0,10 si l’on ne prend en compte que les études de qualité méthodologique élevée. De plus, le paracétamol à plus de 3 g/jour semble être associé dans certaines études à une élévation non négligeable du risque d’ulcère gastroduodénal, de saignement digestif et de perforation. Cette diminution de la TE, associée à une alerte concernant la possibilité d’effets secondaires à fortes doses non observés jusqu’alors, modifie la balance bénéfice-risque du paracétamol. Il est possible qu’à moyen terme, les recommandations changent concernant le paracétamol et le lavage articulaire.

En 2011 devraient paraître les nouvelles recommandations de l’American College of Rheumatology. Même si ce sont des recommandations nationales, elles seront intéressantes car elles devraient être réalisées selon un design original, en fonction de scenari de patients, afin d’être plus proche de la pratique clinique quotidienne.

D’après un entretien avec le Pr François Rannou, rhumatologue à l’hôpital Cochin à Paris.

Références :

- Y. Henrotin et al. Revue du Rhumatisme, 76 (2009) 279–288

- W. Zhang et al. Osteoarthritis and Cartilage, 18 (2010) 476–499

 Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : Bilan spécialistes