Morphiniques forts dans les douleurs chroniques non cancéreuses

Éduquer et informer, une priorité nationale

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Publié le 18/01/2018
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Les recommandations 2016 sur l’usage des opioïdes forts dans la douleur chronique non cancéreuse de l’adulte émises par la Société Française d’étude et traitement de la douleur apportent une aide pratique à la prescription.

Quels messages retenir ? Les opioïdes forts peuvent avoir une efficacité modérée dans les douleurs chroniques non cancéreuses de l'adulte liées à l’arthrose des membres inférieurs, la lombalgie chronique réfractaire, les douleurs neuropathiques. « Un opioïde fort n’est pas un médicament miracle. Il existe des indications pour lesquelles il est certain qu’il ne doit pas être utilisé : les céphalées primaires et les maladies dysfonctionnelles (fibromyalgie, troubles fonctionnels intestinaux) », rappelle le Dr Anne Priscille Trouvin, rhumatologue algologue à l’hôpital Cochin. Il est prescrit en cas d’échec des traitements médicamenteux de 1re intension aux doses maximales efficaces tolérées, après un diagnostic étiologique précis des douleurs et leur prise en charge globale, chez un patient informé des avantages et des risques.

Savoir prescrire et déprescrire

Avant toute prescription ou renouvellement, prendre le temps d’évaluer le risque potentiel de mésusage en utilisant les échelles disponibles sur www.ofma.fr. Ne pas prescrire au-delà de 3 mois si la douleur, la fonction ou la qualité de vie ne s’améliore pas. « Oser demander au patient à chaque renouvellement, le bénéfice qu’il tire de l’opioïde ! recommande le Dr Trouvin. Si c’est dormir, planer ou être euphorique, un avis spécialisé en centre de la douleur, ou en service d’addictologie semble indiqué ». Éviter de dépasser 150 mg d’équivalent morphine/j, l’analyse des cohortes montre que l’efficacité au long cours dans les douleurs chroniques non cancéreuses est obtenue avec des doses inférieures à 150 mg/j. « Au-delà de 100 à 150 mg d’équivalent morphine/j, demander un avis spécialisé auprès d’un centre de la douleur », conseille le Dr Trouvin.

Quelles autres recommandations ? Privilégier les formes à libération prolongée, proscrire le fentanyl transmuqueux à libération immédiate, toujours associer la prescription à celle de laxatifs (et si besoin, d’antiémétiques) et se méfier de la iatrogénie chez le sujet âgé (chute, fécalome, confusion…).

Stopper le signal émergeant d’augmentation des overdoses d’opioïdes !

L’Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA) créé par l’équipe Inserm 1107 NeuroDol et le CHU de Clermont Ferrand a pour objectifs de participer à la pharmaco-surveillance des antalgiques et de promouvoir leur bon usage par les prescripteurs, les pharmaciens et les usagers. Le site www.ofma.fr propose de l’information, des échelles de repérage de mésusage, des résultats d’études… Chaque année, 11 millions de français ont une prescription d’antalgiques opioïdes, avec une augmentation de +74 % depuis 2005 pour les opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl). Parallèlement les hospitalisations pour overdose d’opioïdes ont augmenté de +128 % depuis 2000. Le saviez-vous ? La population la plus concernée par ces overdoses est plutôt féminine et d’âge moyen 60 ans. En valeur absolue, le nombre d’hospitalisations en France pour overdose (16/jour) reste très inférieur à celui aux USA avec 150 décès par jour. « Mais ce signal émerge et nous sommes encore en mesure, contrairement aux USA, de prévenir une potentielle crise des opioïdes. L’une des priorités est de promouvoir un usage à moindre risque auprès des patients, en évitant l’automédication familiale. L’opioïde au fond du tiroir, c’est à eux qu’il a été prescrit, pas à la famille, ni aux collègues, ni aux amis… et pour traiter uniquement une douleur ! », conclut le Pr Authier, pharmacologue et directeur de l’OFMA.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9632