Editorial

Un tabou français

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Publié le 25/06/2018
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Emmanuel Macron n’a pas dit ce qu’il en pensait, mais il a sans doute été un peu surpris… Après un déplacement mouvementé dans la Creuse, le président avait lancé cet automne un défi à ce département rural. Ses élus l’ont pris au mot et proposent de lancer leur territoire dans la culture et la transformation du cannabis à vocation thérapeutique… Un secteur sur lequel la France est à la traîne, puisque le seul produit disposant d’une AMM n’a toujours pas été mis sur le marché, un autre étant en ATU depuis… 2005 ! Ça pourrait changer bientôt. Agnès Buzyn y semble disposée, à la faveur sans doute d’un certain nombre d’études suggérant un intérêt thérapeutique dans plusieurs pathologies.

La porte est entrouverte sur le cannabis à usage médical, mais ce gouvernement, comme les précédents, n’ira sûrement pas plus loin, dans la dépénalisation tous usages de la marijuana. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment il surréagit à l’ouverture récente de « coffee-shops » à la française. Au-delà, son projet de contraventionnalisation du joint est une réponse pragmatique à l’épidémie de fumette. Pas davantage. On est à des années-lumière de la libéralisation décidée par le Canada de Justin Trudeau.

Le débat est néanmoins relancé comme jamais. Mais – même si les Français semblent avoir évolué sur le sujet - il s’arrêtera sans doute comme d’habitude en cours de route. Chacun campant sur ses positions. L’Académie de médecine alerte une nouvelle fois sur les risques sanitaires et sociaux qu’engendrerait la mise en vente libre des drogues dites douces. Les addictologues dans leur immense majorité regrettent que le cadre légal soit encore régi par une loi de 1970, adopté sous le septennat de… Georges Pompidou, à une époque où le concept de réduction des risques était encore un gros mot.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin: 9676