Cancer de la prostate résistant à la castration

Hormonothérapie et chimiothérapie toujours d’actualité

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Publié le 17/05/2018
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Avec le vieillissement de la population (en 1990, 18 % de la population avait plus de 60 ans, en 2020 ce sera 25 %) et en l’absence de politique de dépistage de masse du cancer de la prostate, nous allons voir évoluer l’épidémiologie de cette pathologie. En particulier, il est probable que nous ayons à prendre en charge plus de patients âgés avec des formes plus avancées. L’hormonothérapie reste souvent la première ligne de traitement de ces formes avancées. Pour tous ces patients qui nécessiteront une castration (métastatique d’emblée, localement avancée ou en récidive biologique), nous savons que la résistance apparaît au bout de quelques mois ou années. Nous aurons de plus en plus la nécessité de choisir les orientations thérapeutiques de deuxième ligne pour améliorer la quantité de vie sans nuire à la qualité de vie. 

En métastatique, se référer à la symptomatologie

Pour la catégorie des patients ayant des métastases prouvées (M+), nous avons actuellement le choix entre la surveillance (en acceptant la montée du PSA) sans traitement de seconde ligne, la chimiothérapie (docétaxel puis cabazitaxel) et l’hormonothérapie de seconde génération (acétate d’abiratérone ou enzalutamide). Prochainement, on l’espère, nous aurons probablement le radium 223 et éventuellement les vaccins (sipuleucel-T). Les études ne manquent pas (voir tableau), mais aujourd’hui peu de critères peuvent orienter notre choix. Ni le score de Gleason, ni une différenciation neuroendocrine, ni le temps de l’hormonosensibilité, ni la masse métastatique, ni le type de métastase, ni la biologie (CTC, statut AR-V7), ni la génomique (BRCA 1 et 2, ATM…) ne sont actuellement démontrés comme utiles ou utilisables. Seule la symptomatologie peut nous guider. En effet, pour un patient peu ou non symptomatique, le choix s’oriente plutôt vers les hormonothérapies de seconde génération, alors que pour un patient symptomatique ou avec une atteinte viscérale (plutôt qu’osseuse) la chimiothérapie sera souvent préférée. Le choix du patient est également important. En effet, il aura à donner son opinion entre un traitement par chimiothérapie pendant quelques semaines ou un traitement oral sur une longue période, chaque option ayant sa toxicité propre. 

En l’absence de métastases, une nouvelle génération d’hormonothérapie

Pour les patients sans métastases (M0) résistant à la castration, la première étape du diagnostic est d’affirmer l’absence de métastases. Aujourd’hui, dans les essais publiés, seule la scintigraphie osseuse est utilisée pour détecter les lésions osseuses secondaires. Nous savons que la TEP à la choline, et bientôt au PSMA, devrait permettre en routine de détecter plus précocement les métastases, et donc cette population de patients (CPRC M0) devrait se réduire. Néanmoins, à ce jour, deux études, SPARTAN et PROSPER, ont montré que, respectivement, l’apalutamide et l’enzalutamide apportaient un bénéfice quant à la survie. Nous attendons bien sûr les résultats de l’étude ARAMIS avec l’ODM-501. D’ores et déjà, l’utilisation des deux premières molécules, inhibitrices de la voie de signalisation aux androgènes, permet une réduction du risque relatif de développement de métastases à distance ou de décès de plus de 70 %, et améliore la survie sans métastases d’au moins vingt mois, en comparaison du placebo.

Nous pensions que les progrès dans la prise en charge de ces cancers évolués passeraient par les traitements ciblés ou par l’immunothérapie, mais il n’en est rien pour l’instant : l’hormonothérapie et la chimiothérapie restent d’actualité.

Chef du service d’urologie de l’hôpital Foch (Suresnes)
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Pr Thierry Lebret

Source : Bilan Spécialiste