Cancer de la prostate localisé

Le rôle de la testostérone remis en cause

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Publié le 25/04/2019
cancer prostate

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Crédit photo : Phanie

« Si la production d'hormones sexuelles masculines est empêchée par la castration ou si une hormone sexuelle féminine est ajoutée, le cancer pourrait être combattu », déclarait Charles Huggins, prix Nobel de médecine en 1966 pour son étude, menée en 1941, qui entérinait la responsabilité de la testostérone dans l'apparition du cancer de la prostate. Depuis, la prise en charge du cancer de la prostate intègre la castration chirurgicale ou médicale. C'est ce dogme bien implanté dans la communauté médicale que vient remettre en cause le Pr Henry Botto, ancien chef du service d'urologie de l'hôpital Foch, avec une étude publiée en février 2019 dans Hormones and Cancer.

Un cancer agressif chez 50 % des hypogonadiques

Entre 2013 et 2016, l'étude Androcan a inclus 1 343 patients, issus de quatre centres français (l'hôpital Foch, Montsouris, La Pitié-Salpêtrière à Paris et le CHU de Colmar), atteints de cancer de la prostate localisé chez lesquels une prostatectomie était prévue. Avant l'intervention, les patients avaient une prise de sang et devaient remplir un questionnaire. Leurs profils sériques préopératoires en testostérone (totale et biodisponible) ont ensuite été comparés à leurs caractéristiques pathologiques selon la prédominance du grade de Gleason (prdGP) 4 sur la pièce de prostatectomie, signe d'un cancer agressif. Au total, 68 % des patients de cette étude prospective avaient une tumeur prdGP3 (non agressive) et 32 % un cancer prdGP4.

« Les résultats ont montré qu'environ 50 % des patients hypogonadiques ont un cancer de la prostate agressif (prdGP4) versus 30 % chez les eugonadiques (47,5 % vs 29,9 %, p = 0,004) », explique le Pr Botto. De plus, par rapport aux patients avec des tumeurs prdGP3, ceux ayant un cancer prdGP4 étaient plus fréquemment hypogonadiques, que ce soit en fonction du taux de testostérone biodisponible (10,7 % vs 17,4 % ; p < 0,001) que de testostérone totale (9,7 % vs 14,2 % ; p = 0,02). Ainsi, selon l'étude, non seulement la testostérone ne serait pas responsable du cancer de la prostate mais son déficit serait associé à une forme plus agressive de la maladie. 

Poursuivre les recherches 

Cette découverte pourrait avoir un retentissement dans de nombreux domaines car la testostérone aurait un rôle dans les coronaropathies, le diabète, la densité osseuse… Cependant, les résultats nécessitent d'être confirmés.

Ainsi, une autre étude randomisée devrait être mise en place en 2019 par le Pr Botto, chez les patients hypogonadiques ayant eu une prostatectomie. Elle évaluerait un traitement par testostérone, versus placebo, en fonction du risque de récidive.

Selon le Pr Botto, d'autres pistes seraient également à étudier. « On s'est déjà rendu compte que le cancer de la prostate localisé se traduisait au niveau de la prostate par un effondrement de la testostérone mais il faudrait savoir ce qu'il se passe dans les métastases… car il est probable que le métabolisme de la testostérone change en fonction de l'évolution du cancer ».

D’après la conférence de presse de l’hôpital et de la fondation Foch, le 26 mars 2019.
Neuzillet Y et al, Horm Cancer. February 2019, Volume 10, Issue 1, pp 36–44 (online : 06 October 2018)

Karelle Goutorbe

Source : lequotidiendumedecin.fr