L'urologie en médecine générale

Maladie lithiasique urinaire : les calculs qu’on ne traite pas

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Publié le 27/04/2016
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Avec une prévalence de l’ordre de 10 % de la population générale, la maladie lithiasique urinaire est l’une des maladies chroniques les plus fréquentes dans les pays industrialisés. Dans 90 % des cas, les sujets sont asymptomatiques et donc ne sont pas traités.

Chez le patient symptomatique, les indications à traiter, selon les recommandations, sont la colique néphrétique (secondaire à l’obstruction de l’écoulement des urines qui peut nécessiter une dérivation), l’insuffisance rénale aiguë, la douleur persistante et l’infection. Le traitement urologique du calcul est du ressort du spécialiste. La prise en charge médicale de la maladie lithiasique se fait en association avec le médecin généraliste. Toute personne qui a un calcul doit bénéficier d’un bilan médical (clinique, sanguin et urinaire) et d’une prise en charge à plus long terme : hyperhydratation et mesures diététiques (contrôle des apports en protéines, sel, sucre, lipides, aliments riches en calcium, oxalate…).

Le traitement urologique du calcul, qu’il se fonde sur la lithotritie extracorporelle ou l’endoscopie, n’est pas dénué de risques. La morbidité associée à la lithotritie est de l’ordre de 20 à 25 %, avec un risque de colique néphrétique, d’hématurie et parfois d’hématome rénal ou périrénal (5 %). L’endoscopie a également une morbidité propre, liée à l’anesthésie générale et au risque infectieux et hémorragique. En outre, ces traitements ne sont pas efficaces dans 100 % des cas.

Ceci a conduit à proposer une surveillance chez certains patients, qui doivent cependant tous bénéficier d’une prise en charge médicale et d’un suivi clinique et radiologique régulier pour rechercher une évolution ou une complication, altération rénale ou infection. « Il n’y a pas de réel consensus sur le rythme des examens d’imagerie (abdomen sans préparation et échographie rénale), mais ils sont en général réalisés tous les 6 mois pendant 2 ans, puis tous les ans », précise le Pr Éric Lechevallier.

Calcul asymptomatique, de petite taille, non compliqué

Quelles sont les conditions pour proposer cette surveillance ?

Il s’agit tout d’abord d’un patient asymptomatique, chez lequel un calcul est découvert fortuitement lors d’une imagerie.

Le calcul doit être inférieur à 6 mm pour une localisation rénale et à 4 mm pour un calcul urétéral. « Ces petits calculs sont en effet peu évolutifs et ont un taux d’élimination spontanée de 80 à 90 % à un mois », indique le Pr Éric Lechevallier. « Il n’est donc pas utile de faire courir le risque d’un traitement urologique ».

Il ne doit pas y avoir de complication liée à ce calcul : infection ou obstruction prolongée ou sévère (pas de dilatation rénale à l’imagerie).

Certains terrains constituent une contre-indication relative à la surveillance : insuffisance rénale ou un rein unique, patient fragile, prise d’anticoagulant ou d’antiagrégant plaquettaire, diabète instable qui augmente le risque d’infection.
Certains métiers font également contre-indiquer la surveillance : c’est le cas des militaires ou des pilotes de ligne. De même, elle n’est pas souhaitable chez les sujets devant voyager.

Le patient doit recevoir une information complète et adhérer à cette stratégie de prise en charge.

La surveillance est poursuivie tant qu’il n’y a ni douleur, ni infection, ni obstruction, ni augmentation de taille du calcul.

Une hématurie d’effort liée au calcul, ne doit pas être considérée comme une complication et elle n’implique pas systématiquement un traitement urologique.
Les calculs du parenchyme rénal survenant dans le cadre de la maladie de Cacchi et Ricci, malformation congénitale caractérisée par une dilatation des tubules en amont de la papille, ne peuvent pas être traités urologiquement et relèvent également d’une surveillance et d’une prise en charge médicale.

Il y a bien sûr des situations limites ; c’est le cas d’un patient sans comorbidité ayant une colique néphrétique non compliquée, secondaire à un calcul urétéral de moins de 4 mm, chez lequel une surveillance rapprochée (clinique et imagerie) tous les 7 à 10 jours peut être proposée, car là aussi, le taux d’élimination spontanée est de 90 % à un mois. Passé ce délai, la persistance du calcul fait indiquer un traitement urologique.

Posturothérapie

Autre approche en cours d’évaluation, la posturothérapie est une technique de percussion-diurèse-inversion qui a été utilisée avec succès pour l’élimination des fragments résiduels après lithotritie. Une étude de faisabilité réalisée à Marseille souligne son intérêt en première intention chez des patients sans comorbidité avec un petit calcul, préférentiellement au niveau du calice inférieur du rein. Après prise d’un litre d’eau une heure avant la séance pour assurer la diurèse, le patient est mis en décubitus ventral avec une inclinaison de 30 à 40° puis soumis à des vibrations lombaires pendant 15 minutes. À l’issue de 6 séances, une élimination complète des calculs, confirmée par contrôle échographique et radiologique, a été rapportée dans 30 % des cas.

La tolérance de la technique doit être appréciée au cours des premières minutes de vibrations. La principale complication est le déclenchement d’une colique néphrétique à l’issue de la séance (11 %).

D’après un entretien avec le Pr Éric Lechevallier, hôpital de la Conception, Marseille

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9491