Nos politiques ont pris conscience d’un des maux qui ronge notre système de santé : la saturation des services des urgences. Cette connaissance est favorisée par l’action conjuguée des médias qui effectuent régulièrement des reportages et des articles sur ce sujet, mais aussi du fait de la mobilisation des personnels harassés par la charge de plus en plus en importante de travail.
Aussi pour limiter l’accès aux soins hospitaliers de patients qui peuvent être pris en charge par le médecin généraliste de ville, certains députés de la majorité ont décidé d’expérimenter dans certains départements un système pour adresser les patients ne nécessitant pas de soins urgents vers le praticien libéral. Pour inciter les hôpitaux à agir de la sorte, un forfait de 60 € sera attribué au secteur hospitalier pour la simple réorientation du patient vers la médecine de ville ; le généraliste se contentera lui d’une rémunération de 25 €.
Typologie des patients fréquentant les urgences
Avant toute chose il est important de comprendre les raisons qui motivent les patients ayant de petits maux, qui embolisent inutilement les urgences, à venir consulter un urgentiste.
Nous avons en premier le patient vertueux qui présente une angine avec une hyperthermie et qui ne peut voir son médecin généraliste car le planning de ce dernier est trop chargé, car il est en vacances et n’a pas trouvé de remplaçants ou car il juge que cette consultation n’est pas nécessaire ; grâce à une automédication adaptée le patient verra une amélioration rapide de son état (cas de figure fréquent aux Royaume Uni). Dans ce cas, le personnel des urgences va rechercher un praticien via SOS médecin (si l’hôpital est dans une grande ville) ou une plateforme d’appel. Souvent cette démarche a été effectuée par le patient ; démarche qui a été infructueuse, et qui le sera probablement aussi malgré tous les efforts du personnel hospitalier.
Nous avons le patient stressé qui a une angine non compliquée, et qui se précipite à l’hôpital car il est rassuré de savoir qu’un plateau technique va lui permettre de répondre à ses angoisses. Cette personne, si elle est adressée à un généraliste, a de fortes chances de revenir avec une lettre d’introduction car elle ne va pas cesser de harceler le praticien pour effectuer des examens complémentaires. Le confrère déjà débordé aura du mal à faire face à ce type d’exigence et, du fait d’une charge de travail importante, va accéder à la demande de ce patient.
Nous avons le patient qui n’a jamais eu de médecin traitant, et qui a toujours eu l’habitude de consulter aux urgences. C’est un lieu qui le tranquillise, et lui évite de faire des démarches pour obtenir un rendez-vous. C’est à ce type de patient que le projet expérimental de désengorgement a un intérêt.
Cependant, combien de patients sont concernés par cette situation ? Sera-t-il facile pour l’accueil des urgences de trouver un généraliste pour ces patients, tout en sachant qu’ils n’ont pas de médecin traitant, et que certaines revues de consommateurs ont mis en lumière la difficulté de trouver un médecin traitant ?
Une expérimentation pas nécessairement opportune
Aussi cette proposition de recadrage des patients venus consulter aux urgences est quelque peu déroutante car souvent les patients acceptent d’attendre plus de 6 heures pour une raison parfois peu importante car la médecine libérale n’est plus capable d’absorber le flux trop important de patients. Cette situation est connue, mise régulièrement sur le tapis par les confrères et les syndicats médicaux, mais les politiques ont à l’idée que les libéraux ne font aucun effort pour recevoir de nouveaux patients. Même le directeur de la CNAM reconnaît que 50 % des patients ne trouvent pas de médecin traitant ; situation qu’il souhaite changer comme nos politiques (un peu démagogique lorsqu’on connaît les problèmes actuels de démographie médicale).
D’autre part, est-il juste de rémunérer un hôpital qui ne va pas consulter un patient, et emboliser un cabinet médical (qui ne connaît pas nécessairement ce patient) ; cela sans contrepartie financière ? Cette position est quelque peu insultante pour le médecin généraliste qui est jugé de cette manière de fainéant (il aurait pu absorber le flux de patients).
Nous voyons également que les politiques ne se soucient pas du malaise des libéraux. Pour eux ce sont des pompes à fric, difficilement contrôlables, et en plus complètement irresponsables vis-à-vis de la santé de leurs concitoyens.
Il faut sortir de sa tour d’ivoire, et regarder le fond du problème avant de trouver le bouc émissaire idéal, et faire son mea culpa quant à la problématique de la démographie médicale. Si nous en sommes arrivé à de telles extrémités, ce n’est pas la faute des médecins, mais bien des politiciens qui voulaient réduire le déficit de la Sécurité Sociale en réduisant le numerus clausus.
Une solution plus simple pour désengorger les urgences
La seule façon de résoudre le problème sanitaire de notre pays tient tout simplement à modifier le comportement des Français. Le tout gratuit dans le domaine de la santé est un mythe qui perdure depuis des décennies. Comme disent certains patients : « j’y ai droit ».
Or nous ne pouvons plus continuer d’agir de cette manière, et il est impératif de modifier notre système de santé ; système où le patient ne doit plus uniquement être le spectateur, mais aussi l’acteur. Pour résoudre à moindre frais le problème des urgences il suffit de demander une participation financière lors des consultations réalisées aux urgences, et pouvant être effectuées par un généraliste.
C’est en touchant le portefeuille des patients que nous pouvons réformer notre système de soins. Cependant, cela est très impopulaire, et en plus pas très électoraliste. Néanmoins, si nous n’éduquons pas les patients, nous irons droit dans le mur.
« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde » Mandela N.
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