Carmat : le CHU de Montpellier rejoint l’aventure des centres greffeurs en France

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Publié le 25/03/2024
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Le CHU de Montpellier est revenu, lors d’une conférence de presse, sur ses deux premières greffes de cœur artificiel total. Il fait partie des 10 centres agréés en France par Carmat dans le cadre de l’essai Eficas.

Fabrication de la prothèse Aeson dans les laboratoires de Carmat.

Fabrication de la prothèse Aeson dans les laboratoires de Carmat.
Crédit photo : Carmat

En France, dix centres agréés pour l’implantation des prothèses Aeson, les cœurs artificiels de Carmat, participent depuis 2022 à l’essai Eficas. Cette étude prospective recrute des patients en attente de transplantation cardiaque. L’objectif principal de l’étude est de récolter des données d’efficacité et de sécurité pour le cœur artificiel total et d’évaluer la survie à 180 jours après implantation sans accident vasculaire cérébral (AVC) ou la réussite de l’implantation cardiaque dans les 180 jours. Pour la société Carmat, tout l’enjeu est de permettre son remboursement en France et d’offrir ainsi une alternative aux patients en attente de greffe.

Le CHU de Montpellier est centre greffeur depuis décembre 2023 avec jusqu’ici deux implantations de prothèse. À ce jour, les deux patients sont vivants et se remettent de leur opération, un troisième est en cours de recrutement. La participation à l’essai s’inscrit dans le cadre du forfait recherche de l’hôpital, le CHU de Montpellier étant par ailleurs le centre régional de référence pour la prise en charge d’ultime recours.

Montpellier, un pôle d’expertise en cardiologie

Au CHU de Montpellier, c’est une équipe pluridisciplinaire qui participe à l’essai Eficas : chirurgiens cardiaques, anesthésistes-réanimateurs, infirmiers de bloc… « Ce n’est pas standardisé, nous pratiquons des gestes à risque avec une technologie que nous devons maîtriser », introduit le Pr Fabrice Taourel, président de la commission médicale d’établissement, lors d’une conférence de presse donnée par le CHU de Montpellier.

Ainsi, le Pr Philippe Gaudard, chef du service d’anesthésie-réanimation de l’hôpital Arnaud-de-Villeneuve pilotant le programme, détaille le procédé pré-implantation. « Au CHU de Montpellier, nous implantons en préopératoire un capteur miniature, de la taille d’une pièce de monnaie, qui nous permet de récolter des données sur la pression dans l’artère pulmonaire pour évaluer les patients avant de les sélectionner pour le cœur artificiel. »

Il faut également s’assurer que la prothèse, disponible en une seule taille, puisse rentrer dans l’espace que laissera l’ancien cœur. « Nous faisons une stimulation d’implantation virtuelle sur scanner », détaille-t-il. La procédure de greffe est technique. « Nous avons tout un processus de préparation de la prothèse : rinçage, ré-assemblage, etc., explique le spécialiste. Ce sont 10 à 15 personnes qui sont mobilisées, spécialement formées et supervisées par l’équipe de Carmat. La procédure dure entre 8 et 9 heures avec 4 heures de circulation extracorporelle ».

Une fois l’implant en place, c’est le moment de relancer la circulation et de découvrir si ce cœur artificiel prend le relais. « Si nous faisions un électrocardiogramme à l’aveugle, nous pourrions penser que c’est un cœur normal », s’enthousiasme le Pr Philippe Gaudard. La prothèse Aeson est un dispositif rigide hémocompatible, pulsatile et autorégulé de 900 g, dont les parties en contact avec le sang sont recouvertes d’un péricarde bovin. La prothèse est reliée à un dispositif d’alimentation externe que le patient peut transporter dans un sac.

Le premier patient de Montpellier, un homme de 70 ans, a reçu la prothèse le 13 décembre 2023 et se trouve actuellement en centre de rééducation après un passage en réanimation pour difficultés respiratoires postopératoires liées à la réduction de l’espace thoracique. Le deuxième patient, un homme de 60 ans, a été implanté le 23 janvier 2024 et se trouve actuellement en service de réanimation, toutefois réveillé et pouvant respirer. Son état préopératoire était « précaire » selon l’équipe, car en dialyse et avec une infection de la peau et des tissus mous. « Nous avons choisi des patients qui étaient en attente de transplantation et qui ne pouvaient plus attendre longtemps. Mais l’objectif reste d’amener ensuite les patients vers la transplantation. » Le centre espère ainsi pouvoir faire bénéficier quelques milliers de patients de cette technologie.

L’essai Eficas dans sa phase finale

Le projet de cœur artificiel est né de la rencontre entre le Dr Alain Carpentier et Jean-Luc Lagardère pour « répondre au manque de greffon humain à venir », raconte Stéphane Piat, directeur général de la société Carmat. Les implantations de la prothèse ont commencé il y a une dizaine d’années à l’étranger, et la société, qui a obtenu un marquage CE en 2017 pour Aeson, a franchi le cap des 50 implantés l’année passée.

L’essai français Eficas, quant à lui, s’inscrit dans une finalité d’indication et de remboursement de la prothèse (prix de vente : 205 000 euros) pour les patients souffrant d’insuffisance cardiaque grave, soit en « pont » pour leur permettre d’attendre un greffon humain, soit en traitement définitif. Depuis 2022, c’est un peu plus d’une quinzaine de patients qui ont été implantés dans le cadre de l’essai au sein des différents centres, une petite dizaine d’entre eux étant encore en vie avec le dispositif.

« Nous implantons environ 2-3 patients par mois dans les 10 centres agréés (CHRU de Lille, hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, hôpital Marie-Lannelongue, hôpital européen Georges-Pompidou, CHU de Montpellier, Hospices civils de Lyon, CHU de Strasbourg, CHU de Rennes, CHU de Nantes, CHU de Dijon Bourgogne). Ces centres répondent à un critère de répartition géographique et à celui de l’activité des centres dans le domaine », expose Stéphane Piat. L’objectif de l’essai Eficas est d’implanter 52 patients et de présenter le plus haut pourcentage de patients avec une survie à 6 mois sans complication clinique (AVC). Pour le dirigeant de la société, « le nombre de patients augmente, mais mourir d’insuffisance cardiaque avancée n’est plus une fatalité, il y a Carmat », conclut-il.


Source : lequotidiendumedecin.fr