Ostéoporose

Des fractures pas si rares chez les sujets obèses

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Publié le 11/04/2022
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Le poids est protecteur vis-à-vis du risque fracturaire. Si, globalement, ce dogme reste d’actualité, il pourrait être remis en cause chez les sujets obèses, comme le suggèrent des données récentes présentées lors de la 35e Journée scientifique du Groupe de recherche et d'information sur les ostéoporoses (Grio), qui s’est tenue à Paris le 14 janvier.

Voilà des années que les études concordent : par rapport aux sujets à indice de masse corporel (IMC) insuffisant, et même par rapport à ceux qui présentent un poids normal, les individus obèses sont moins à risque de fracture, et en particulier de fractures ostéoporotiques. Ainsi, le poids semble en général protecteur contre les fractures.
Cependant, au-delà d’un certain seuil d’IMC, cet effet bénéfique du poids plafonnerait. C’est ce qu’a suggéré dès 2005 une méta-analyse conduite chez des sujets déjà en surpoids. Dans ce travail, bien qu’une augmentation d’un point d’IMC provoquait une apparente réduction du risque de fracture, après ajustement sur la densité minérale osseuse (DMO), cet effet s’atténuait, voire disparaissait, résume le Pr Bernard Cortet, rhumatologue et président du Grio. Une absence de surprotection liée à la prise de poids chez les sujets obèses confirmée en 2021 par deux vastes cohortes suédoises – l’une masculine, l’autre féminine.

Ainsi, un IMC élevé pourrait non seulement ne pas apporter de bénéfice supplémentaire vis-à-vis du risque fracturaire par rapport à un poids légèrement moindre, mais aussi favoriser certaines fractures. Si celles associées à une fragilité osseuse classique – hanche, poignet, pelvis, vertèbres – ne semblent pas concernées, les études pointent en revanche des fractures de l’humérus ou de cheville (extrémité distale du tibia). Un phénomène potentiellement dû à des facteurs traumatiques. « Une augmentation du risque de chute a été démontrée chez les obèses, en lien avec une énergie cinétique importante dépensée au niveau du sol et une diminution des mesures de protection », avance Bernard Cortet.

Une courbe en U

Mais chez les femmes, passé un certain poids, un IMC trop important pourrait aussi provoquer une hausse du risque de fracture ostéoporotique par rapport aux patientes de poids normal. De fait, en 2020, une vaste étude conduite auprès d’une cohorte finlandaise de plus de 12 000 femmes a montré que « les patientes qui ont le poids le plus faible font beaucoup de fractures de hanche, que celles qui ont un poids normal sont celles qui en font le moins, et que chez les obèses, autour de 64 ans, il y a une ré­augmentation du risque », résume le Pr Cortet. Cette « courbe en U qu’on connaît dans différents domaines de la médecine » pourrait également concerner les fractures vertébrales, bien que « les études (n’aillent) pas toutes dans le même sens », affirme le Pr Cortet. Quoi qu’il en soit, ce type de courbe évoque de possibles facteurs de fragilité osseuse chez les obèses. À ce titre, le rhumatologue avance le rôle potentiel d’adipokines et de carences en vitamine D, fréquentes en situation d’obésité du fait d’un stockage du nutriment dans les tissus adipeux.

Fait rassurant et surprenant : chez les sujets obèses – habituellement touchés par de nombreuses comorbidités –, les fractures sévères seraient moins mortelles que chez les individus de poids moindre, rapporte le Pr Cortet à la lecture de données récentes.

Chirurgie bariatrique, de nouvelles recos pour limiter l’impact osseux

L’efficacité de la chirurgie bariatrique ne fait plus de doute, admet le rhumatologue Julien Paccou (Lille), et nombre de chirurgiens plaident pour étendre l’accès à ce type d’intervention. Or, comme le rappelle le spécialiste, « l’impact osseux (de la chirurgie bariatrique) est indéniable ».

Ainsi, de nouvelles recommandations sont en cours d’élaboration pour limiter ce retentissement. Si ces guidelines « ne sont pas complètement finalisées », le Pr Paccou a présenté en avant-première leurs grandes lignes, qui concernent d’abord la conduite à tenir dans le cas général : supplémentation vitamino-calcique, en particulier en cas d’hyperpara­thyroïdie secondaire, maintien d’une activité physique « pour contrecarrer la décharge liée à la perte pondérale », etc. Doivent bénéficier d’une évaluation et d’un suivi plus rapproché les patients les plus à risque. Soit les femmes ménopausées et les hommes de plus de 50 ans, les sujets ayant subi une procédure malabsorptive (gastric bypass ou dérivation bilio-pancréatique), ainsi que les patients présentant d’autres facteurs de risque (corticothérapie au long cours, comorbidité pourvoyeuse de fractures ou de chutes, etc.). Dans le cadre de ce suivi, « la DMO a tout son intérêt – et le recours à l’imagerie vertébrale est possible si nécessaire », résume le Pr Paccou. Les seuils à partir desquels proposer un traitement feraient encore l’objet de débats.


Source : lequotidiendumedecin.fr