Le nouveau visage de l’urologie médicale

Publié le 09/12/2016
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Les régimes alimentaires s’invitent en urologie. Le premier traitement médical de la maladie de Lapeyronie fait son apparition... L’IRM multiparamétrique soulève des espoirs pour le diagnostic précoce du cancer de la prostate. Certaines approches non chirurgicales des troubles de la statique pelvienne inquiètent les spécialistes... Le récent Congrès français d’urologie a fait la part belle, cette année, à l’urologie médicale.
Ouverture

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Crédit photo : GCA/SPL/PHANIE

Non, urologie ne rime pas forcément avec bistouri ! En témoigne, la 110e édition du Congrès de l’association française d’urologie (Paris, 16-19 novembre) qui a consacré cette année une large place à l’urologie du quotidien et aux traitements non chirurgicaux. Tout en soulignant les limites et le manque de recul concernant certaines alternatives non invasives.

HBP, LE POIDS DE LA DIÉTÉTIQUE

Dans la prévention de pathologies urinaires, les conseils diététiques ont une place importante et peuvent faire la différence.

Tout d'abord, dans la lithiase urinaire. Avant les consignes de restriction alimentaire et d’exploration d’une éventuelle hypercalciurie, hyperuraturie ou hyperoxalurie, la clé est l’hydratation, avec la valeur plancher de deux litres quotidiens. En dessous, les urines comportent des cristaux dans plus de 50 % des cas. Pour les calculs de calcium (plus de 80 % des calculs), contrairement à une idée reçue, réduire le calcium alimentaire est inutile, car sans impact sur le calcium urinaire, alors qu'un régime pauvre en sel (NaCl) et en protéines est bénéfique.

Dans le cancer de la prostate, il n’est par contre pas encore clairement établi que le fait de privilégier un aliment plutôt qu’un autre ait un impact délétère ou protecteur sur son développement. Les études épidémiologiques suggèrent néanmoins un lien entre certains excès alimentaires et le risque de cancer de la prostate.

Et, globalement, les spécialistes s’accordent sur la nécessité de corriger les déséquilibres alimentaires avec moins de graisses saturées d’origine animale et de produits laitiers, plus d’acides gras polyinsaturés oméga 3 (poissons gras), d’antioxydants fournis par les fruits et légumes et de substances anti-oncogènes apportées par les crucifères (brocolis) et les fruits rouges (anthocyanidines et flavonoïdes). « En pratique, illustre le Pr François Desgrandchamps, chef du service d'urologie de l’hôpital Saint-Louis (Paris), en cas de cancer de la prostate, en plus d’augmenter les portions en fruits et en légumes, je conseille de remplacer les sucres à fort index glycémique par des sucres d’absorption lente, de substituer la viande rouge par le poisson et le poulet, de favoriser épinards, oignons, ail, choux de Bruxelles, grenade, thé vert. » Selon des études d’intervention encore peu concluantes mais qui vont dans le même sens, ces règles diététiques seraient les plus appropriées pour la prévention du cancer de la prostate et en cas de tumeur avérée. Des pré- parations magistrales de lycopène à forte dose ou des suppléments alimentaires de sulforaphane (substance extraite du brocoli) peuvent aussi renforcer les apports journaliers.

Dans l’hypertrophie bénigne de la prostate, en revanche, c'est à l'embonpoint qu'il faut s’attaquer. La taille de l’adénome de prostate est en effet corrélée au périmètre abdominal et, de manière plus générale, à la présence d’un syndrome métabolique (tour de taille > 102 cm). Sur le plan physiologique, l’aromatase, présente dans la graisse viscérale, transforme la testostérone en œstradiol, facteur de croissance de la prostate. Ainsi, 70 % des hommes ayant un score de symptômes mictionnels (IPSS) élevé (15-20) ont un syndrome métabolique associé.

Or une perte de poids, entre 5 et 10 %, couplée à une augmentation de l’activité physique (30 min/jour) a une action directe sur les symptômes urinaires liés à l’HBP. « Non seulement ceux-ci sont moins sévères, dé- taille François Desgrandchamps, mais ils peuvent disparaître et permettre l’arrêt des médicaments. » De manière générale, la perte de poids permet de conforter, voire de renforcer l’efficacité du traitement. 

MALADIE DE LAPEYRONIE, ENFIN UN TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX !

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Selon de rares données observationnelles et des constats encore subjectifs, « la prévalence de la maladie de Lapeyronie (fibrose de l’enveloppe des corps caverneux entraînant une déviation de la verge) semble progresser », indique le Dr Antoine Faix, responsable du Comité d’andrologie et de médecine sexuelle de l’Afu. Désormais, 3 à 9 % des hommes seraient touchés au-delà de 50 ans, dont 5 à 10 % par des formes gênantes et sévères.

Cette fréquence non négligeable pourrait s’expliquer, du moins en partie, par l’explosion actuelle des maladies métaboliques. Parmi les terrains favorisants, figure en effet le diabète avec des facteurs déclenchants comme des microtraumatismes sur des corps caverneux, fragilisés probablement par l’altération de la microvascularisation. 

L’arsenal thérapeutique s’est enrichi depuis décembre 2016 d'une collagénase à base de Clostridium histolyticum (utilisée, en général, sous forme de 3 à 4 injections à 1 mois d’intervalle dans la zone de fibrose). La réduction moyenne de l’angle de courbure de la verge approcherait 20 degrés chez les répondeurs (60-70 % des hommes concernés).

STATIQUE PELVIENNE, DES DISPOSITIFS QUI MANQUENT DE PREUVES

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La chirurgie de la statique pelvienne – incontinence et prolapsus – sera-t-elle bientôt détrônée par des dispositifs externes, voire mini-invasifs, comme le laser CO2 ? L’Association française d’urologie met en garde contre ces appareils qui prétendent agir sur la symptomatologie urinaire et qui manquent à la fois de preuves scientifiques, d'efficacité et de recul. Les urologues visent notamment les dispositifs externes, même pourvus d’un « marquage CE », tels que les appareils d’électrostimulation externe, de réé- ducation périnéale contre l’incontinence (remboursés par l’assurance maladie) ou les pessaires, comme des anneaux souples à introduire dans le vagin. Ils semblent toutefois peu délétères, en dehors d’un retard à la prise en charge.

La préoccupation des spécialistes monte d’un cran avec les lasers. Le rapport béné- fice-risque du laser CO2, utilisé depuis 2-3 ans pour le «  rajeunissement vaginal » et dans le syndrome génito-urinaire de la ménopause, est loin d'être établi. Il est pourtant préconisé par les constructeurs pour renforcer le plancher pelvien dans l’incontinence urinaire légère à modérée, la rectocèle, la cystocèle et le prolapsus.

Le principe du laser CO2 est le suivant : l’effet photothermique du rayonnement infrarouge entraîne une prolifération puis un remodelage des fibroblastes ainsi qu’une néocollagenèse. Dixit l’argumentaire, la tension exercée sur la paroi vaginale permet sa rétractation, d’où l’effet argué sur la continence. « Dans l’incontinence urinaire, une étude sur une quarantaine de femmes a montré une modification du Q-Tip test (mobilité urétrale) de 15 à 20 degrés à un mois, développe l’urologue Jean-François Hermieu (hôpital Bichat, Paris), mais, à six mois, il ne restait que six patientes ! Sur le plan urodynamique, les résultats sont contradictoires. Ils sont insuffisants pour se prononcer sur le prolapsus. »

La morbidité du laser pourrait aussi poser problème. Quid de l’abrasion de la paroi antérieure du vagin vis- à-vis de la qualité des tissus en vue d’une chirurgie ultérieure, notamment par bandelettes sous-urétrales ? Silence radio du côté des agences de santé, en attendant les remontées de matériovigilance...

PSA, L’IRM MULTIPARAMÉTRIQUE POURRAIT CHANGER LA DONNE

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Alors que le dépistage du cancer de la prostate fait encore l’objet de controverses, notamment en raison des surtraitements qu’il pourrait engendrer, une nouvelle technique d’imagerie pourrait jouer un rôle crucial dans les années à venir pour la détection des tumeurs prostatiques, en particulier les formes agressives : l’IRM-mp (ou multiparamétrique). Actuellement, elle se positionne en aval d’une première série de biopsies négatives pour affiner la localisation des lésions, avant une deuxième série de biopsies devant une cinétique de PSA préoccupante.

L’autre indication, pratiquée mais non encore validée, est sa réalisation avant une première série de biopsies en cas de suspicion clinique forte de cancer, afin de sensibiliser les prélèvements ulté- rieurs. « S’il n’est pas encore question de substituer, dans le cadre d’un dépistage, cette imagerie de haute performance aux biopsies prostatiques en cas de taux de PSA et/ou de toucher rectal anormaux, cette possibilité n’est pas exclue à moyen terme », envisage le Pr Luc Cormier, chef de service de chirurgie urologique-andrologie au CHU de Dijon.

C’est la capacité intéressante de l’IRM-mp à détecter les tumeurs agressives (à partir d’un score anatomopathologique d’agressivité tumorale de Gleason 7), tout en laissant de côté les formes indolentes ou peu agressives, qui pourrait promouvoir cette imagerie au sein du processus de dépistage. C’est pourquoi de nombreuses équipes se focalisent sur la corrélation entre le score de Gleason et le score obtenu par l’IRM-mp (score de Pirads qui définit l’agressivité tumorale), et des résultats concluants ont été présentés à l’Afu 2016. Enfin, un essai multicentrique français a souligné l’intérêt de l’index PHI (combinaison du PSA total, PSA libre et pro-PSA). Couplé à l’IRM-mp, cela augmenterait encore plus le taux de détection des formes agressives et éviterait 50 % de biopsies ultérieures inutiles.

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr