Décrite pour la première fois outre-Atlantique en 1977, l’œsophagite à éosinophiles aura mis plus de trente ans à être reconnue en Europe. Pourtant, il s’agit d’une pathologie bien réelle et pas si rare comme l’a expliqué le Dr Hugues Piloquet (Nantes), lors des 19es rencontres de pédiatrie pratique (Paris, 30-31 janvier 2015).
L’œsophagite à éosinophiles?(EoE), « c’est en fait l’asthme de l’œsophage, résume ce gastro-pédiatre. C’est une maladie chronique inflammatoire d’origine allergique, alternant poussées et phases de rémissions ». La définition est d’ordre anatomo-pathologique avec plus de 15 éosinophiles par champ (x400).
Plus de 7 000 cas ont été publiés depuis 1977, ne laissant plus de place au doute quant à la réalité de cette entité nosologique, à la génétique encore floue. L’incidence est désormais plus précise et plutôt élevée, de l’ordre de 1/10 000, à mettre en balance avec celle de la maladie de Crohn pédiatrique qui est de 2/100 000 (incidence en France). Le sexe masculin est majoritairement touché (ratio H/F : 3/1) ainsi que la race blanche non hispanique. L’âge de diagnostic, selon une étude de 2013, est extrêmement variable allant du plus jeune âge jusqu’à 65 ans. Cette maladie débutée pendant l’enfance persiste à l’âge adulte, avec, dans 86 % des cas, une modification de la structure anatomique, rapporte une étude sur 12 ans d’évolution.
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Le diagnostic est délicat et doit être évoqué devant des symptômes de dysfonction œsophagienne résistant au traitement. Mais, « vu la prévalence du RGO, des vomissements et des régurgitations chez le petit enfant, il est parfois difficile de faire la part des choses, souligne Hugues Piloquet. Outre ces éléments du tableau clinique, il faut aussi repérer une impaction alimentaire, des blocages alimentaires répétés, une dysphagie et, souvent, chez les petits, une cassure staturo-pondérale qui oriente vers une notion d’organicité vis-à-vis d’un reflux standard ».
La symptomatologie est changeante avec l’âge : les troubles évoluent, depuis ceux, diffus, de l’alimentation qui rendent difficiles le diagnostic chez les petits à la dysphagie, le maître symptôme chez les adultes.
La fibroscopie n’est pas discriminatoire
Le piège est de rassurer les parents après une endoscopie normale. « Dans une étude, sur 381 enfants, 30 % avaient une endoscopie normale ! », alerte le Dr Piloquet. Dans d’autres cohortes, sur 223 enfants, 173 avaient une pHmétrie normale et même la manométrie peut parfois être rassurante. « Les biopsies œsophagiennes sont donc le juge de paix en cas de suspicion d’EoE ».
Le diagnostic une fois établi, tout l’enjeu est de savoir au moyen du bilan allergologique si l’enfant ou l’adolescent est sensibilisé à un aéro-allergène ou à un allergène d’origine alimentaire. En effet, les allergies alimentaires sont assez fréquentes, entre 60 et 80 % des EoE selon les études. Cinq études en Amérique du Nord ont montré que les protéines du lait de vache étaient incriminées dans 64 % des cas, la farine de blé dans 24,9 % mais aussi les œufs (22?%)?et?l’arachide (5,9 %). La seule étude européenne, espagnole, retrouve une allergie aux légumineuses (23,8 %). Il faudra encore quelques années pour préciser la fréquence des allergies alimentaires impliquées dans cette pathologie en fonction du pays.
Corticoïdes et évictions alimentaires
Le traitement de l’ EoE a été codifié en mars 2014. Corticoïdes topiques (fluticasone en spray/doseur, budesonide en suspension visqueuse) et l’éviction alimentaire, ciblée ou empirique constituent le socle thérapeutique, auquel s’ajoutent les inhibiteurs de la pompe à protons pour la suppression acide. Quant à la dilatation endoscopique, elle concerne quasi exclusivement l’adulte du fait des phénomènes de sténose après une longue évolution de la maladie (86 % des patients après 12 ans d’évolution). D’autres traitements sont à l’étude, avec les anticorps monoclonaux anti Il-5 et les anticorps AC anti-eotaxin-3.
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