En 2022, d’après un rapport de l’Agence de biomédecine, la maladie rénale chronique (MRC) touchait plus de cinq millions de personnes en France, dont 90 000 en défaillance rénale nécessitant un traitement de suppléance (dialyse ou greffe). Des professionnels sonnaient l’alerte en 2023 dans une tribune publiée dans Le Quotidien : la MRC demeure absente des programmes et sujets prioritaires de santé et les derniers textes réglementaires datent de 2003.
Ainsi, s’est formé le groupe de travail T-Rein, mené au sein de l’Université du changement en médecine (UC2m), soutenu par la fédération Reinomed. Après un an de concertations, le groupe publie des recommandations et exhorte les pouvoirs publics à œuvrer pour un plan national Maladies rénales.
Au sein d’une ample liste de préconisations, ressortent plusieurs axes : coordination entre généralistes et spécialistes, soins de proximité et prise en charge personnalisée. La commission T-Rein exhorte à instaurer un bilan prévention systématique pour tous les patients à risque entre 40 et 45 ans puis entre 60 et 65 ans, seul le diabète fait l’objet de recommandations spécifiques (restant par ailleurs insuffisamment appliquées). Les experts demandent à améliorer significativement le dépistage précoce pour réduire le nombre de patients en traitement de suppléance.
Balisage du suivi néphrologique
La suppléance n’est plus inéluctable : le groupe établit des recommandations visant non seulement à ralentir la progression de la MRC, mais aussi à éviter à certains patients l’arrivée en dialyse. Mais cela nécessite de commencer des traitements conservateurs à un stade précoce.
La commission appelle à mieux structurer le parcours, comme l’explique le Pr Luc Frimat, néphrologue au CHU de Nancy : « Au lieu de consultations ponctuelles comme en cardiologie ou diabétologie, il faut un balisage des étapes de suivi de la MRC ». Et d’ajouter : « Toute la profession veut éviter la dialyse et, quand elle est nécessaire, elle doit être d’excellente qualité et accompagnée d’autres soins ».
L’existence de traitements néphroprotecteurs efficaces ne suffit pas. Les plans d’actions cliniques doivent inclure des interventions médicamenteuses mais aussi un accompagnement psychique et physique. « Cette panoplie d’actions doit s’inscrire dans un parcours en étroite coordination avec le généraliste, les spécialistes et les équipes de soins primaires », souligne le Pr Frimat.
La participation indispensable du généraliste
Le Dr Jacques Battistoni, ex-président de MG France, décrit le rôle du généraliste dans la prise en charge de la MRC : éviter l’évolution aux stades avancés, prévention auprès des patients à risque et suivi de leur état de santé. Diabète, obésité et surpoids, maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle mais aussi sédentarité et déséquilibre alimentaire, les situations à risque de maladie rénale sont en augmentation. La prévention passe aussi par un bilan annuel avec une estimation du débit de filtration glomérulaire fondée sur la créatininémie et le calcul du ratio albuminurie/créatininurie, tel que le recommande la Haute Autorité de santé.
Nous devons travailler en parfaite intelligence avec les néphrologues
Jacques Battistoni, généraliste
Une culture commune de prise en charge est à développer entre généralistes, néphrologues et structures spécialisées, mais pas seulement. Par exemple, le Dr Battistoni travaille dans son territoire avec les biologistes pour harmoniser les prescriptions. « Le but est de jouer notre rôle et de travailler en parfaite intelligence avec les néphrologues », commente-t-il.
Rapprocher le patient de son lieu de soin
Autre point : l’éloignement des soins concerne pas moins de 30 % de patients qui démarrent une dialyse en urgence. Ce sont en majorité des populations défavorisées, avec une faible littératie en santé, qui sont globalement les plus touchées par les maladies chroniques. Le Dr Battistoni prône l’universalisme proportionné, c’est-à-dire des actions préférentielles vers ces patients les plus affectés pour leur éviter la suppléance.
Pour éviter les ruptures de parcours, le groupe de travail préconise d’investir dans la réduction des inégalités de santé (territoriales, accès aux soins). Afin de maintenir l’autonomie des patients autant que possible, soins de support, maintien de l’activité physique et alternatives aux centres (dialyse à domicile ou de proximité) sont autant de solutions envisageables, que des économies par exemple sur les transports (comptant actuellement pour 16 à 19 % du coût de prise en charge d’une dialyse) pourraient aider à financer.
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