Contre la « déferlante » du diabète de type 2, vous prônez une médecine préventive et prédictive...
Pr Philippe Froguel. C’est le défi de la prochaine décennie. Quand on traite les patients prédiabétiques (glycémie à jeun comprise entre 1 g/l et 1,26 g/l) par la metformine et des mesures hygiéno-diététiques, on réduit de moitié leur risque de diabète à court terme. Mais au bout de 20 ans, la plupart d’entre eux seront diabétiques. Il faut agir avant ! Chez les prédiabétiques, la moitié des cellules bêta du pancréas est déjà détruite...
Comment prédire la survenue d’un diabète ?
Pr P F. Les données génétiques ne suffisent pas. Hormis les rares formes monogéniques, le diabète de type 2 résulte de combinaisons très variables d’anomalies génétiques, associées à des causes environnementales et au vieillissement. Les chercheurs tentent d’identifier des marqueurs de risque présents dès le stade infra-clinique, témoignant d’anomalies alors que la glycémie commence à peine à augmenter. Pour cela, ils analysent le « métabolome » (ensemble des métabolites circulants) et « l’épigénome » (ensemble des marques apposées au génome, régulant l’activité des gènes) des patients. D’ici à dix ans, on devrait avoir identifié de tels marqueurs de risque.
Faudra-t-il alors dépister l’ensemble de la population ?
Pr P F. Pourquoi pas ? Mais la priorité serait plutôt de rechercher ces marqueurs dans des populations très exposées : familles de diabétiques, personnes en surpoids ou obèses, femmes ayant fait un diabète gestationnel, groupes ethniques à risque. Et une fois les sujets à risque identifiés, de proposer chez ces patients une intervention préventive précoce. Améliorer le mode de vie des patients très tôt, avant qu’ils ne soient diabétiques, devrait être efficace.
Cette stratégie aurat-elle aussi des retombées thérapeutiques ?
C’est le grand enjeu de la médecine personnalisée. Il faudra d’abord progresser dans la définition des profils à risque : l’idée sera de distinguer des sous-groupes de patients avec des anomalies analogues à l’origine de leur diabète. Puis il s’agira d’évaluer différentes stratégies dans chaque sous-groupe, afin d’identifier la ou les stratégies thérapeutiques les plus efficaces pour ce groupe.
Où sont les autres marges de progrès ?
Pr P F. Depuis 20 ans, on a fait de grands progrès dans la prise en charge des stades les plus sévères du diabète. Mais le traitement des 1res phases reste incertain. Depuis 20 ans, 1/3 des diabétiques font toujours des complications. Certes, ils meurent plus tard, grâce aux statines, aux IEC et à un meilleur contrôle de la glycémie. Ils meurent moins de maladies cardiovasculaires, mais ils meurent plus de cancers. Et quand ils font des infarctus, ceux-ci sont plus graves. En résumé, l’enjeu est double : intervenir plus tôt – et de façon mieux ciblée – et développer une médecine personnalisée.
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