Dans une nouvelle étude publiée dans le Jama Internal Medicine, des chercheurs américains remettent en cause le système actuel d’évaluation d’hépatotoxicité des médicaments à partir du nombre de lésions hépatiques aiguës rapportées. Ni la place qu’occupent ces effets indésirables dans une population donnée, ni la temporalité d’utilisation du médicament n’y sont pris en compte. Autrement dit, la classification actuelle, qui se base sur la valeur absolue des lésions hépatiques et non sur leur incidence, n’est pas représentative de la réelle hépatotoxicité des principes actifs.
Pour minimiser ces biais, les chercheurs proposent ainsi une approche pharmaco-épidémiologique. Dans leur étude, l’équipe a mesuré sur la période 2000-2021 le taux d’hospitalisation pour lésion hépatique aiguë de 194 médicaments ayant à leur actif au moins quatre rapports d’hépatotoxicité.
Leurs résultats révèlent 17 médicaments fortement hépatotoxiques, dont 11 (64 %) n’étaient pas classés dans cette catégorie de risque élevé avec la méthode usuelle. On y retrouve la stavudine, un antirétroviral classé à risque intermédiaire, qui atteint 86 évènements par 10 000 personnes-année, le plus haut risque de tous les médicaments testés. S’ajoutent à la liste de nombreux antibiotiques : les antimicrobiens représentent 64 % des groupes de risque sévère 1 et 2 (sur quatre groupes) avec une incidence supérieure à 5 événements pour 10 000 personnes-année. En particulier le métronidazole, qui était noté à faible taux de réaction hépatique sévère, se révèle l’antibiotique le plus toxique au sein de ceux évalués.
À l’inverse, de nombreux médicaments comme les statines, les AINS et certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) et antiépileptiques étaient classés comme à haut risque avec plus de 50 cas de lésions hépatiques mais se situent finalement dans un groupe d’incidence inférieure à 1 évènement par 10 000 personnes-année.
Des recommandations à faire évoluer
Le Dr Vincent Lo Re, infectiologue épidémiologiste à l’université de Pennsylvanie (Philadelphie) et coauteur de l’étude, explique : « D’un point de vue clinique, connaître le taux de lésions hépatiques aiguës sévères après avoir commencé un médicament, à partir de données réelles, aidera à déterminer quels patients devraient être suivis de près avec des bilans biologiques tout au long du traitement. » Les contre-indications précisées sur les notices et les prescriptions médicales devraient être revues à la lumière de la balance bénéfice-risque réelle pour chaque patient. Dans un commentaire associé, la Dr Grace Y. Zhang, interniste à l’université de Californie, enchérit : « Remettre en question de précédentes croyances sur les effets toxiques de médicaments peut être inconfortable pour les praticiens mais reste une étape essentielle pour avancer à la fois dans le domaine scientifique et clinique. »
L’étude manque tout de même de données sur l’hépatotoxicité chez les femmes qui ne représentaient que 7,5 % de la cohorte, ainsi que sur les patients avec une maladie hépatique. La Dr Zhang nuance les résultats : le choix de restreindre l’évaluation aux hospitalisations et aux molécules déjà classifiées peut passer à côté d’agents hépatotoxiques non envisagés auparavant. De plus, la causalité entre les médicaments et les lésions n’a été établie que pour 76 % d’entre eux. De plus amples études sont nécessaires pour ces molécules et d’autres principes actifs non inclus.
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