Les seniors victimes de la grippe : pourrait-on mieux faire ?

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Publié le 10/01/2017
vaccination grippe

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Crédit photo : BURGER/PHANIE

L’EHPAD de Lyon qui a enregistré pas moins de 13 morts de la grippe n’a pas déclaré de nouveaux cas depuis 4 jours. Mieux encore, les 6 individus hospitalisés ne présentent plus de signes de gravité et 4 d’entre eux devraient pouvoir réintégrer l’établissement. Néanmoins, l’épidémie ne sera considérée comme officiellement terminée que d’ici 7 jours sans nouveau malade et 43 personnes sont toujours en isolement. Si la situation semble s’améliorer de nombreuses questions restent en suspens, notamment est-ce que toutes les précautions ont été prises ? Pourquoi le taux de vaccination n’était que de 46 % lorsque l’épidémie a débuté ?

Les personnes âgées sont particulièrement touchées par la grippe cette année, et « c’était prévisible », estime le Pr Daniel Floret, membre du HCSP et ex-président du Comité Technique de Vaccination. En effet, la souche virale H3N2 est connue pour toucher préférentiellement cette tranche de la population. Même si le vaccin est cette année adapté à la souche circulante, les anciens demeurent les cibles privilégiées du virus, et pour cause, il est moins efficace à partir d’un certain âge. « Ce n’est pas la même chose à 90 ans qu’à 75, mais il reste très difficile de chiffrer l’efficacité vaccinale, mais moins d’efficacité ne veut pas dire pas d’efficacité », souligne l’expert.

Comment remédier à l’immunoscénésence ?

Pour l’instant, « on ignore quel adjuvant ajouter pour améliorer l’efficacité vaccinale », admet le Pr Floret. Une administration par voie intradermique pourrait potentiellement augmenter l’efficience mais aucune preuve tangible n'a pu être apportée.

Aux États-Unis, « on augmente la dose d’antigènes, on la quadruple, et ce vaccin fortement dosé est employé pour les personnes âgées », explique le spécialiste. Cependant, encore une fois, bien que le pays y ait recours depuis 2 ou 3 ans, aucune donnée d'efficacité en vie réelle n'est disponible pour l'instant. Mais les données d'immunogénicité seraient prometteuses. 

Outre-Manche, c’est la politique vaccinale qui a évolué afin de remédier au problème de la gravité des épidémies grippales dans le population de sujets âgés. La grippe se propageant à partir des enfants, la stratégie mise en place est de les vacciner afin de protéger les adultes. Si les premiers résultats sont encourageants, « on n’est pas sûr que cela marche à terme car ils utilisent un vaccin vivant intranasal dont l’efficacité tend à décliner au fil des années », modère le Pr Floret. En outre, pour que l’immunité de groupe fonctionne il faut une couverture vaccinale élevée, ce qui ne semble pas applicable en France pour le moment.

La couverture vaccinale demeure peu optimale chez le personnel soignant

L’expert remarque cependant deux points majeurs concernant l’épisode de l’Ehpad lyonnais.  Le premier étant que « seulement 46 % des résidents étaient vaccinés alors que la moyenne dans ce type d’établissement est de 90 % ». Le second étant parmi le personnel soignant « seulement 20 % d’entre eux étaient vaccinés ».

Surprenant ? Pas tant que cela, « le taux de vaccination chez les professionnels de santé n’a jamais été très haut mais il a baissé ces dernières années », argumente le spécialiste. Légalement, si l’article L.3111-4 du code de santé publique spécifie que les professionnels de santé doivent être immunisés contre la grippe, un décret de 2006 (Décret n°2006-1260 du 14 octobre 2006) dispose que cette obligation est suspendue. Suite à une saisine de la Direction générale de la santé sur les modifications de l’article relatif aux obligations vaccinales des professionnels de santé, l’HCSP a publié un avis fin 2016 sur le sujet.

En préambule, le Haut Conseil précise que pour qu’un vaccin soit obligatoire pour les professionnels, il faut que quatre conditions soient réunies : le  vaccin doit être indiqué pour prévenir une maladie grave, le risque d’exposition doit être élevé pour le professionnel, le risque de transmission vers les personnes prises en charges doit s’avérer non négligeable et le vaccin existant doit être efficace avec une balance bénéfice/risque nettement en faveur de la vaccination. « Or, en ce qui concerne la grippe, le vaccin ne répond pas à ce dernier critère car son efficacité est aléatoire selon les années », énonce le Pr Floret.

Le conseil conclut donc que la vaccination contre la grippe ne sera pas rendue obligatoire « tout en restant fortement recommandée, mais qu’elle puisse éventuellement être rendue obligatoire en situation de pandémie ». L’avis précise aussi que « cette position devra être reconsidérée quand des vaccins plus efficaces seront disponibles ». Mais si ce n’est pas une obligation: pour le spécialiste, « il y a un problème éthique », la vaccination restant le meilleur moyen de prévention disponible à ce jour. 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr