L’analgésie post-opératoire par paracétamol et kétoprofène serait plus écologique lorsqu’elle est administrée per os, en prémédication, plutôt qu’en intraveineuse (IV) durant l’intervention, et tout aussi efficace. C’est la conclusion d’un « éco-audit » réalisé par l’équipe du département d’anesthésie et soins intensifs des Hospices civils de Lyon (HCL) menée par le Pr Lionel Bouvet.
Les auteurs de cette étude publiée dans le Canadian Journal of Anesthesia encouragent les équipes à choisir, lorsque cela est possible, la prémédication orale. « Notre étude invite également à se poser des questions sur nos pratiques. Se soucier de l’environnement est une démarche de santé publique, car nous savons que la santé humaine y est liée. Nous pouvons gagner à réfléchir plus vastement à une éco-conception des soins, avec des bénéfices pour nos patients, pour les professionnels de santé et les structures de soins », détaille le Pr Bouvet pour le Quotidien. « Le secteur de la santé est responsable de 10 % de nos émissions, et le bloc opératoire est le poste qui en émet le plus », ajoute-t-il.
« La voie per os se montre aussi efficace que la voie IV pour des interventions courtes, ce qui constitue 90 % de nos interventions en France, mais également plus économique », détaille le chef de service. De plus, des données pharmacocinétiques montrent que le paracétamol et le kétoprofène per os sont rapidement absorbés et l’effet analgésique dure quatre à six heures. Aujourd’hui, tout le service de chirurgie gynécologique adulte pratique la prémédication per os. « Nous échangeons avec la direction des HCL pour discuter de l’intérêt d’élargir cette pratique à d’autres services de chirurgie. Dans notre service, nous l’utilisons et nous observons que ce mode d’administration est tout aussi efficace que par voie intraveineuse », précise le Pr Bouvet.
Pour cet éco-audit, les auteurs ont analysé le cycle de vie du médicament de sa fabrication à son administration, afin de déterminer les quantités de gaz à effet de serre et d’eau nécessaires. Pour cette méthodologie particulière, l’équipe des HCL a collaboré avec des ingénieurs de l’Institut national des sciences appliquées de Lyon (Insa).
Plus de 80 000 euros économisés en une année
Les auteurs montrent que la prémédication orale avec l’association paracétamol (1 g)-kétoprofène (50 mg) émet 53 à 67 fois moins d'équivalents CO2 (eCO2) et consomme 10 fois moins d'eau que l’administration intraveineuse en peropératoire. L’eCO2 est une conversion des quantités des divers gaz émis en quantité équivalente de dioxyde de carbone. De plus, l’administration per os est 16 à 18 fois plus économique que la voie IV. Ainsi, l’administration IV est associée à l’émission de 444 à 556 g d’eCO2 et à l’utilisation de 9,8 à 12,2 litres d’eau, quand la voie orale n’émet que 8,36 g d’eCO2 et ne consomme qu’1,16 L d’eau. « À l’échelle nationale, cela représente 2 900 à 3 700 tonnes d’eCO2 et 58 000 à 74 000 m3 d’eau qui pourraient être économisés en choisissant la voie orale », détaille le Pr Bouvet.
Aux HCL, si la voie orale avait été préférée dans 70 % des interventions réalisées en 2022, cela aurait représenté sur l’année une réduction d’émission de gaz à effet de serre de 25 à 31 tonnes d’eCO2 et une économie de 290 000 à 625 000 litres d’eau par an. Ce seraient 86 000 à 98 000 euros économisés. À l’échelle nationale, par extension, cela représenterait, pour 10 millions d’interventions, 58 000 à 74 000 m3 d’eau et 2 900 à 3 700 tonnes d’eCO2 par an.
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