Traitements anti-Covid-19

La Haute Autorité de santé retoque le molnupiravir

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Publié le 13/12/2021
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Alors que le molnupiravir, antiviral potentiellement actif par voie orale contre le SARS-CoV-2, devait arriver en France début décembre, les autorités sanitaires ne lui ont finalement pas attribué d'autorisation d'accès précoce. En revanche, les anticorps monoclonaux antiviraux, bien que plus difficiles à utiliser, suscitent toujours l'intérêt.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Coup dur pour le molnupiravir (Lagevrio). Cet antiviral chimique anti-SARS-CoV-2 n’arrivera pas en France en décembre. « La Haute Autorité de santé (HAS) n'autorise pas l'accès précoce de Lagevrio en traitement curatif des formes légères et modérées de la Covid-19 », a annoncé l’instance vendredi.

Premier candidat traitement spécifique du Covid-19 utilisable par voie orale

Pourtant, le molnupiravir avait suscité d’importants espoirs. En effet, de premières annonces de Merck Sharp & Dohme (MSD), qui développe le candidat médicament, avaient fait état de la capacité du molnupiravir, administré dans les 5 jours après les premiers symptômes de Covid-19, à réduire de moitié le risque d’aggravation (hospitalisation, décès) des patients vulnérables récemment infectés. Alors que les seuls traitements précoces spécifiques du Covid-19 disponibles à l'heure actuelle sont des anticorps monoclonaux utilisables par perfusion, la simplicité d’emploi du molnupiravir (per os) avait par ailleurs de quoi attirer l’attention.

Si bien que l’Agence européenne du médicament (EMA) avait, dès le 19 novembre, encouragé les pays membres de l’UE à recourir au molnupiravir en pré-AMM. En France, Olivier Véran avait assuré à plusieurs reprises que 50 000 doses de ce traitement précoce arriveraient en ville dès début décembre.

Toutefois, les autorités sanitaires françaises en ont décidé autrement. Et ce, notamment du fait de la disponibilité d'une alternative thérapeutique plus intéressante bien que plus difficile d'utilisation : le Ronapreve (casirivimab-imdévimab).

Une efficacité moins élevée que pour le Ronapreve

En effet, le molnupiravir apparaît bien moins efficace que le Ronapreve. Pour rappel, après ses premières annonces et depuis la parution des directives de l'EMA, MSD a finalement revu à la baisse l’efficacité du molnupiravir, alors ré-estimée à 30 %. Un nouveau chiffre qui - au-delà de jeter le doute sur la robustesse des essais de MSD et sur les performances réelles de son candidat - s'avère bien en deçà des 80 % d'efficacité du Ronapreve. « En outre, l'impact du traitement sur la négativation de la charge virale [...] n'est pas démontré », déplore la HAS.

Par conséquent, pour les autorités sanitaires l'indication potentielle du molnupiravir serait « restreinte par rapport à celle revendiquée par le laboratoire ». Certes, MSD promeut le molnupiravir pour « le traitement des formes légères à modérées de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) chez les adultes ayant un test de diagnostic positif au SARS-CoV-2 et qui présentent au moins un facteur de risque de développer une forme sévère de la maladie ». Mais les autorités françaises estiment que du fait des meilleures performances du Ronapreve, le molnupiravir ne pourrait être utilisé qu’en cas « d'impossibilité de recours aux anticorps monoclonaux chez les adultes ne nécessitant pas d'oxygénothérapie, et étant à risque élevé d'évolution vers une forme grave de la maladie ».

De potentiels effets indésirables graves

À noter par ailleurs, que certains spécialistes avaient émis des craintes sur la sécurité d’emploi du molnupiravir, du fait de son mode d’action (agent mutagène capable de tuer le virus par accumulation de mutations), potentiellement tératogène. D’ailleurs, l’EMA proposait de contre-indiquer le médicament aux femmes enceintes et allaitantes.

Au total, pour le traitement précoce des sujets vulnérables, la HAS préfère au molnupiravir les anticorps monoclonaux antiviraux déjà disponibles. « La HAS insiste sur le fait que l'accès à Lagevrio en ville risquerait d'induire une perte de chance pour les patients, qui ne se verraient pas traités par un traitement plus efficace, le Ronapreve. » Ainsi les anticorps monoclonaux antiviraux, bien que difficiles d'emploi et sous-utilisés aujourd’hui, ont-ils encore de beaux jours devant eux. Et ce, non seulement pour le traitement du Covid-19, mais aussi pour la prophylaxie de l’infection.

Un nouvel anticorps monoclonal plus adapté à la ville

D’ailleurs, en la matière, la HAS vient d’autoriser un nouveau cocktail d’anticorps anti-SARS-CoV-2 : l’Evusheld (tixagévimab-cilgavimab, laboratoire AstraZeneca), indiqué en prophylaxie pré-exposition pour les patients à haut risque de forme sévère de Covid-19, non éligibles ou non (ou faiblement) répondeurs à la vaccination.

À l’origine de cette décision favorable de la HAS : les résultats d’une étude suggérant, comme pour le Ronapreve, une efficacité d’environ 80 %, ainsi qu’une « présomption d’innovation » concernant son mode d’administration. En effet, ces anticorps, qui présentent une demi-vie longue (protection pendant 6 mois), peuvent être administrés deux fois par an par voie intramusculaire. Aussi l’autorité sanitaire le juge-t-elle « particulièrement adapté à un usage ambulatoire ».

Seule limite de ce traitement : « un risque cardiovasculaire identifié lors des essais », reconnaît la HAS. Ainsi celle-ci indique qu’il n’est « pas recommandé d'administrer Evusheld en prophylaxie pré-exposition aux personnes ayant au moins deux facteurs de risque cardiovasculaire (dyslipidémie, diabète, obésité, hypertension, tabagisme, âge avancé, etc.) ».


Source : lequotidiendumedecin.fr