Antidépresseurs

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine tératogènes ?

Publié le 09/07/2015

Après les médicaments à base de valproate, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ? Selon une étude publiée ce jeudi dans le BMJ, la prise en début de grossesse de certains ISRS serait associée à une augmentation du risque tératogène. Au cours de ces dernières années, plusieurs publications avaient déjà semé le doute avec un certain nombre d’anomalies congénitales décrites chez des enfants nés de mère sous ISRS. Mais jusqu’à présent ce sur-risque restait controversé.

Un risque faible avec la paroxétine et la fluoxétine

L’étude du BMJ renforce la suspicion pour la paroxetine et la fluoxetine, tout en relativisant le risque. Basée sur les données de la « National Birth Defect Prevention Study (NBDPS) », cette étude américaine a passé au crible les dossiers de 17 952 mères d'enfants atteints de malformations congénitales et 9857 mères de nourrissons « sains », nés entre 1997 et 2009. Pour chacune d’entre elles, l’exposition à un ISRS en début de grossesse a été documentée et corrélée à la présence ou non de malformation congénitale. Ont été considérés, le citaloprame, l'escitaloprame, la sertraline, la fluoxétine et la paroxétine.

 

De façon rassurante, pour la sertaline -qui représentait à elle seule 40% des ISRS utilisés pendant la grossesse chez les patientes étudiées- aucun surrisque tératogène n’a été retrouvé, contrairement à ce qu’avaient pu suggérer certains travaux antérieurs. De même, plusieurs associations entre ISRS et malformations congénitales décrites antérieurement ont pu être écartées.

En revanche, le travail du BMJ confirme l’association entre paroxétine et anencéphalie (RR 3.2) ; paroxétine et malformations cardiaques (RR 1,8 à 2,4) et paroxétine et anomalies de la paroi abdominale type gastroschisis (RR 2.5) ou omphalocèle (RR 3,5). De même, cette étude conforte le lien entre fluoxétine et cardiopathie par défaut d’éjection du ventricule droit (RR 2.0) et fluoxétine et craniosténose (RR 1,9).

« Ces données sont donc rassurantes pour certains ISRS, mais suggèrent que certaines anomalies congénitales se produisent 2 à 3,5 fois plus souvent chez les enfants de femmes traitées par la paroxétine ou la fluoxétine en début de grossesse » résument les auteurs. Tout en relativisant les risques: "Bien que notre analyse appuie fermement la validité des associations qui ont été observées, l'augmentation des risques absolus reste limitée" soulignent-ils. Et de conclure à la nécessité de mieux documenter les effets des ISRS chez la femme enceinte.

 

Prudence chez la femme enceinte

Actuellement la fluoxétine et la paroxétine ne sont pas formellement contre indiquées pendant la grossesse. Cependant « la paroxétine ne sera utilisée pendant la grossesse que si elle est strictement nécessaire et le médecin devra évaluer l'intérêt d'un traitement alternatif chez une femme enceinte ou envisageant de l'être » indique le RCP de la paroxétine qui a été modifié en 2008 pour prendre en compte ce risque potentiel. Pour la fluoxétine, le RCP est moins restrictif et indique seulement que « bien qu’elle puisse être utilisée au cours de la grossesse, une prudence particulière est conseillée notamment en fin de grossesse ou juste avant l’accouchement en raison d’autres effets rapportés chez les nouveau-nés tels que : irritabilité, tremblements, hypotonie, pleurs persistants, difficultés de succion ou trouble du sommeil ». Les risques potentiels de malformation cardiaques et d’HTAP suggérés par certaines études épidémiologiques y sont également mentionnés mais aucune restriction d’utilisation des ISRS chez la femme enceinte pour ce motif n’est évoquée.De son côté, le Crat (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) stipule clairement depuis Septembre 2014 qu « ’il est possible d’utiliser la fluoxétine, à posologie efficace quelque soit le terme de la grossesse».


Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr