Médicament

Préparations magistrales, du sur-mesure sous-utilisé ?

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Publié le 02/02/2023
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Adaptation des dosages, modification de la galénique, etc. Si les préparations magistrales ont été remises sur le devant de la scène avec les pénuries d’amoxicilline, leur intérêt potentiel dépasse les seules ruptures de stock. Pourtant, en France, leurs prescriptions restent limitées.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Plusieurs mois de pénurie d’amoxicilline ont remis les préparations magistrales à l’honneur. En effet, depuis quelques semaines, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) facilite la mise à disposition de ce type de médicaments, en alternative aux spécialités industrielles d’amoxicilline en rupture. Et depuis fin décembre, les pharmaciens sont autorisés, « à titre exceptionnel et temporaire », à en délivrer directement si le médicament prescrit n'est pas disponible. Selon Fabien Bruno, pharmacien titulaire d’une officine parisienne habilitée à fabriquer ce type de produits et membre du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Île-de-France, 40 000 préparations magistrales d’amoxicilline avaient déjà été délivrées mi-janvier. « Et l’objectif est de couvrir un tiers des ruptures », indique-t-il. De quoi faire parler de ces médicaments particuliers.

Pour rappel, selon le code de la santé publique, les préparations magistrales consistent en des médicaments « (préparés) selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé lorsqu'il n'existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible ». Aussi, selon le Dr Bruno, « une préparation magistrale est un médicament sur mesure », qui peut globalement être prescrit par tout médecin, et délivré par tout pharmacien – même si nombre d’entre eux ne réalisent pas la préparation dans leur officine mais la sous-traitent à d’autres. Globalement, la plupart des molécules thérapeutiques peuvent faire l’objet de préparations magistrales – même en dehors du cadre de l’AMM des spécialités industrielles correspondantes. Seules exceptions : « les médicaments interdits et certaines molécules (à marge thérapeutique étroite) telles que les hormones thyroïdiennes », indique-t-il.

Seulement 40 pharmacies sous-traitantes en France

En temps normal, les préparations magistrales restent pourtant peu utilisées en France. Selon Fabien Bruno, seulement quelques milliers seraient délivrées chaque jour dans tout le pays. Et les pharmacies sous-traitantes atteignent à peine le nombre de 40, contre 400 en Espagne par exemple.

En cause : le poids des réglementations qui pèsent sur les pharmaciens, et les habitudes de prescription des médecins, qui privilégient les spécialités industrielles. Notamment, nombre de prescripteurs « rapportent ne pas savoir comment prescrire des spécialités magistrales », explique le Dr Bruno, qui rappelle les règles« Plutôt que d’écrire le nom de la spécialité, il faut inscrire "faire préparer", puis indiquer la DCI, la galénique et la posologie, et enfin préciser pour remboursement les motifs du recours à la préparation ».

Un intérêt particulier chez l’enfant et le sujet âgé 

Ces motifs sont potentiellement très divers : au-delà de combler un vide, les préparations magistrales confèrent une souplesse pas toujours permise par les spécialités pharmaceutiques.

Par exemple, elles permettent de disposer de posologies particulières en « évitant de couper des comprimés de façon imprécise », plaide le pharmacien. D’ailleurs, selon ses estimations, 15 % des préparations magistrales concernent la pédiatrie – peu de spécialités présentant des dosages adaptés aux enfants, souligne Fabien Bruno, impliqué dans la création d'Easyprep Pédiatrie, site internet d’aide à la prescription de préparations magistrales chez l’enfant. 

Dans le même esprit, les préparations magistrales peuvent permettre d’adapter la forme galénique des médicaments. « On peut par exemple préparer des gélules pour des patients dans l’incapacité d’avaler un comprimé », d’où un intérêt également en gériatrie. Autre cause fréquente d’adaptation galénique : une allergie à un excipient présent dans les spécialités.

Enfin, un recours aux préparations magistrales peut être envisagé en cas de rupture. Car les préparations magistrales se révèlent moins sujettes aux tensions d’approvisionnement. « Nous bénéficions d’une certaine souplesse (dans le choix des fournisseurs de matières premières) par rapport aux industriels, d’autant que nous achetons des quantités moindres », avance le Dr Bruno. Ainsi, en 2019, lors des premières ruptures massives de corticoïdes tels que la prednisone ou la prednisolone, les pharmacies avaient assuré 5 % de l’approvisionnement national, se souvient le Fabien Bruno.

Le tout avec des exigences de qualité et de sécurité encadrées par des recommandations de bonnes pratiques de préparation« Sur certains points, les préparations magistrales sont même en avance sur l’industrie, notamment la sérialisation, qui permet une traçabilité totale des préparations depuis 2007 », plaide Fabien Bruno.


Source : lequotidiendumedecin.fr