Vitamine D et Covid-19 : beaucoup d'études mais peu de certitudes

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Publié le 11/01/2021
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Illustration sur la supplémentation en vitamine D en prévention des formes graves de la Covid19

Illustration sur la supplémentation en vitamine D en prévention des formes graves de la Covid19
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Dans le contexte pandémique actuel, la carence en vitamine D a rapidement été pointée comme un facteur de risque potentiel du Covid-19. Une hypothèse particulièrement médiatisée notamment aux États-Unis, où l'infectiologue Antony Fauci a par exemple préconisé une supplémentation préventive en vitamine D - et affirmé se supplémenter lui-même -, rappelle le JAMA.

« Malgré la recommandation de Fauci et les affirmations de nombreux fabricants de compléments alimentaires, il semble impossible de conclure quant à un lien entre taux sanguins de vitamine D et diverses maladies dont les infections en raison de preuves contradictoires ou insuffisantes », explique toutefois la revue scientifique, qui, dans un article paru le 6 janvier, propose de faire le point sur les données disponibles concernant l’efficacité de la vitamine D contre le Covid-19.

Des méthodologies controversées

Ce qui se dégage d’abord de cette analyse, c’est que « derrière les gros titres » des journaux figurent parfois des travaux mal conduits et non validés par des pairs.

Le JAMA évoque en particulier une étude rétrospective réalisée en Indonésie selon laquelle de faibles taux sanguins en vitamine D pourraient être associés à un risque accru de mourir du Covid-19. Ce travail, non relu par des pairs, à la méthodologie douteuse et aujourd’hui retiré du serveur de prépublications sur lequel il avait été déposé (SSRN) avait provoqué une vague importante de réactions sur Internet.

Autre exemple : une étude publiée par Plos One au début de l’automne – selon laquelle parmi les patients hospitalisés pour Covid-19, ceux avec des taux sériques de vitamine D inférieurs à 30 ng/mL avaient deux fois plus de chance de mourir que les autres – a fait l’objet d’une réévaluation par son éditeur non seulement à cause de biais méthodologiques mais aussi de possibles conflits d’intérêts non déclarés d’un des auteurs.

D’après le JAMA, la question des conflits d’intérêts hante d’ailleurs l’analyse des données de la littérature, les auteurs ou sponsors de nombreuses études conduites notamment aux États-Unis pour explorer l’efficacité de la vitamine D contre le Covid-19 s’avérant liés à des fabricants de vitamine D, de tests sérologiques, etc. Alors que début décembre, des dizaines d’études évaluant le lien entre vitamine D et Covid-19 étaient déclarées sur la plateforme nationale américaine ClinicalTrials.gov, aucune n’apparaissait financée par un organisme public (par les National Institutes of Health), rapporte ainsi la revue scientifique.

Des résultats contradictoires

Toutefois, d’après le JAMA, au moins 6 études étudiant les liens entre carence en vitamine D et Covid-19 relues par des pairs et n’ayant pas fait l’objet de réévaluations ou de corrections par leur éditeur ont à ce jour été réalisées. Les quelques résultats de ces investigations apparaissent cependant contradictoires ou insuffisants.

Par exemple, parmi ces études, deux – qui on respectivement montré, en France et en Espagne, que la prise de vitamine D était associée à des formes de Covid-19 moins sévères chez les patients âgés ou à une réduction des admissions en réanimation chez les patients déjà hospitalisés – ont été réalisées sur moins de 100 patients.

Les autres, conduites en Italie, à Chicago et au Royaume-Uni suggèrent tantôt que la vitamine D n’a pas de lien avec le Covid-19, tantôt qu’une supplémentation en vitamine D a impact sur la mortalité hospitalière mais peu sur le risque d’hospitalisation, ou encore qu’une carence en vitamine D est associée à une probabilité plus importante d’être infecté par le SARS-CoV-2.

Des recommandations disparates

En attendant que la science apporte plus de réponses, diverses institutions et organismes indépendants ont cependant déjà émis des recommandations, parfois également contradictoires.

En France, bien qu’elle considère que la vitamine D ne peut être utilisée comme « traitement curatif ou préventif de l’infection due à SARS-CoV-2 », l’Académie de médecine s’est ainsi prononcée dès le mois de mai en faveur d’un dosage rapide du taux de vitamine D sérique chez les personnes âgées de plus de 60 ans atteintes du Covid-19, et ce afin « d’administrer, en cas de carence, une dose de charge de 50 000 à 100 000 UI qui pourrait contribuer à limiter les complications respiratoires ». De même, chez les sujets plus jeunes, l’Académie préconise « d’apporter une supplémentation en vitamine D de 800 à 1 000 UI/jour ».

Au contraire, 6 mois après, le 15 décembre, la revue Prescrire rappelait « qu’en l'absence de données cliniques comparatives de niveau de preuves suffisant » sur l’effet d’une supplémentation en vitamine D en prévention ou traitement d’une infection par SARS-CoV-2, la vitamine D devait continuer à être réservée au traitement préventif ou curatif des troubles osseux en particulier chez la personne âgée et certains enfants. « La vitamine D expose à des effets indésirables, en particulier en cas de surdose, notamment des hypercalcémies avec leurs complications (lithiases rénales, insuffisances rénales, etc.) », insiste la revue.


Source : lequotidiendumedecin.fr