Covid-19 : 60 % des sujets hospitalisés présentent encore des symptômes à 6 mois

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Publié le 11/05/2021
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L'étude a été conduite uniquement auprès de patients initialement hospitalisés pour Covid-19.

L'étude a été conduite uniquement auprès de patients initialement hospitalisés pour Covid-19.
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Entre la moitié et deux tiers des patients hospitalisés pour Covid-19 présenteraient encore au moins un symptôme 6 mois après leur admission en service de médecine ou de soins critiques. C’est ce que suggère une étude de l’Inserm publiée hier dans la revue scientifique Clinical Microbiology and Infection (CMI).

Alors que la pandémie de Covid-19 dure depuis près d’un an et demi, les conséquences à long terme de l’infection à SARS-CoV-2 apparaissent encore méconnues. De fait, si divers travaux ont exploré les symptômes de la maladie persistant un, deux, trois, voire quatre mois après l’infection, seule une équipe chinoise avait déjà pu se pencher sur l’état clinique des patients à 6 mois. Dans ce contexte, les auteurs de la présente étude ont proposé d’évaluer les symptômes manifestés par des patients hospitalisés pour Covid-19 sévère 194 jours après leur admission à l’hôpital.

Pour ce faire, les chercheurs se sont appuyés sur la cohorte prospective longitudinale French Covid de l’Inserm, constituée de patients hospitalisés dès les premières heures de la pandémie (premières inclusions fin janvier 2020) pour une infection à SARS-CoV-2 documentée. Au total, 1 137 volontaires ont pu bénéficier à 3 mois et à 6 mois de visites médicales de suivi centrées sur l’évaluation de dix symptômes (fatigue, dyspnée, douleurs articulaires, douleurs musculaires, céphalées, rhinorrhée, toux, mal à la gorge, agueusie, anosmie) classiquement liées aux infections notamment respiratoires.

1/3 des patients très invalidés à 6 mois

Résultats : à 6 mois, seulement 40 % des patients ne présentaient aucun des dix symptômes recherchés par les auteurs de l’étude. Par ailleurs, à cette date, 24 % des participants souffraient d'au moins trois symptômes, les plus courants étant la fatigue, la dyspnée et les douleurs musculaires ou articulaires, soit des affections relativement invalidantes. À tel point que 194 jours après leur admission à l’hôpital, près d’un tiers des volontaires actifs avant d’avoir contracté la maladie n’avaient pas encore repris leur activité professionnelle.

À noter que ces chiffres apparaissent proches de ceux obtenus à l’issue de trois mois de suivi, suggérant une évolution très modeste de l’état clinique des malades après trois mois de convalescence. « Les symptômes qui sont présents à M3 ont l’air fixés et d’être toujours présents à M6 », souligne Jade Ghosn, infectiologue à l'AP-HP et premier auteur de l’étude (propos recueillis lors d'une conférence de presse organisée hier par l'Inserm). En effet, lors de la visite de suivi placée trois mois après l’admission à l’hôpital, 27 % des patients présentaient déjà au moins trois des dix symptômes d’intérêt. Ainsi, seuls 3 % de ces malades auraient vu leur état s’améliorer entre 3 et 6 mois.

Des séquelles pas liées à des comorbidités

En outre, les chercheurs ont trouvé dans leur cohorte quelques facteurs prédictifs de la persistance d’au moins trois symptômes à 6 mois. Parmi ceux-ci : le fait d’être une femme, le fait d’avoir présenté au moins trois symptômes au moment de l’hospitalisation (ce qui concernait, dans la cohorte, 62 % des participants), et le fait d’avoir été admis en réanimation (soit la sévérité initiale de la maladie). « L'association entre la persistance des symptômes à M6 et le genre ou la présentation clinique pendant la phase aiguë [..] suggère un rôle intrinsèque du virus lui-même et de la sévérité initiale de la maladie », concluent les auteurs.

En revanche, alors que la plupart des patients présentaient des comorbidités telles qu'une hypertension artérielle, une obésité, un diabète ou une insuffisance rénale, et que 42 % d’entre eux en manifestaient au moins deux, le nombre de pathologies sous-jacentes ne s’est pas avéré significativement associé à un surrisque de séquelles dans la cohorte, rapporte le Pr Jade Ghosn. Finalement, ces symptômes persistants ne seraient donc pas liés à la décompensation de co-morbidités.

Suivre les volontaires jusqu’à M18

Reste toutefois encore de nombreuses inconnues.

Parmi celles-ci, le mécanisme physiopathologique à la base de ces séquelles n'est pas encore élucidé, même si le Pr Ghosn insiste sur l'absence de persistance de virus dans les voies respiratoires - ce qui, d'après lui, empêcherait d'utiliser le terme "covid long", évocateur d'une infection chronique.

De même, le suivi des patients de la cohorte French Covid mériterait d'être étendu à la fois dans le temps et vis-à-vis de l'éventail de symptômes évalués. En effet, les chercheurs prévoient, à M12 et M18, deux nouvelles visites enrichies de tests de concentration, de mémoire, relatifs à un éventuel stress post-traumatique ou à la qualité de vie des patients, etc. - autant d'aspects non évaluables à M3 et M6 car trop susceptibles, à ces dates, de s'avérer plus liés à la réanimation qu'au Covid-19 lui-même, explique Jade Ghosn.

Enfin, des études conduites sur d'autres types de patients - atteints de formes moins graves et pris en charge en ambulatoire ou infectés par des nouveaux variants - sont attendues.


Source : lequotidiendumedecin.fr