Agressions physiques, verbales, menaces, vols ou dégradations... À l'heure où le Congrès de la Médecine Générale France (CMGF) réunit à Paris tous les acteurs de la discipline, c'est un triste record dont la profession se serait volontiers passé : avec 1126 incidents recensés en 2018 par l'Observatoire de la sécurité des médecins*, jamais le nombre de praticiens agressés n'a été aussi élevé - la moyenne sur 15 ans s'établissant à 783 déclarations.
Certes, les médecins sont davantage enclins que par le passé à déclarer les agressions ou incivilités dont ils sont victimes. Mais l'insécurité est une tendance lourde comme en témoigne la hausse continue du taux de "victimation" (0,57 % en 2018) qui traduit bien la délinquance ressentie et pas seulement la délinquance connue et recensée.
Si quatre régions concentrent plus de la moitié des incidents répertoriés (Ile-de-France, Hauts-de-France, Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes), ce sont les départements du Nord (123 déclarations), des Bouches-du-Rhône (82), de la Haute-Garonne (46) et de la Seine-saint-Denis (44) qui affichent les pires statitiques départementales. À l’inverse, l'Orne, la Meuse, la Haute-Loire, l'Indre ou les Alpes-de-Haute-Provence n'ont recensé chacun qu'une seule déclaration…
Les généralistes beaucoup plus touchés
Le profil 2018 des médecins victimes amplifie le phénomène déjà observé : les généralistes sont de très loin les plus exposés (désormais 70 % des déclarations contre 44 % des effectifs médicaux). Les autres spécialités concentrent 30 % des agressions alors qu'elles représentent 56 % des médecins. Jamais l'écart entre la médecine générale et les autres disciplines n'a été aussi marqué en matière d'insécurité.
En dehors des médecins de famille, les spécialités les plus touchées sont les ophtalmologistes (40 incidents soit près de 4 % des déclarations) devant les dermatologues, gynécologues-obstétriciens, psychiatres, médecins du travail, cardiologues, radiologues et urgentistes. Dans la très grande majorité des cas (88 %), la victime est le praticien lui-même (son collaborateur dans les autres situations, beaucoup plus rarement le cabinet médical ou un patient).
Les femmes restent légèrement surreprésentées parmi les victimes puisqu'elles déclarent presque la moitié des incidents alors qu'elles représentent 47 % de la population médicale.
Couteau, canne et caddy
Le patient est l'agresseur dans 54 % des incidents recensés, devant un accompagnant (15 %), plus rarement un membre de sa famille (6 %), et marginalement une bande, un passant ou un prestataire de service. Fort heureusement, l'utilisation d'une arme reste ultra-minoritaire (3 % des déclarations soit tout de même une trentaine d'agressions de médecins en 2018). Dans ce dernier cas, l'arme utilisée est le plus souvent un couteau mais l'Ordre, précis dans son recensement, mentionne cinq agressions à la canne, deux au fusil et à la bombe lacrymogène, et une respectivement au revolver, au parpaing et au caddy !
L'analyse des 1126 incidents subis par les médecins montre une forte prédominance des agressions verbales et des menaces (66 % contre 62 % un an plus tôt). Si l'on y ajoute les agressions physiques (7 % des déclarations, stable), on constate que toutes ces atteintes aux personnes demeurent très majoritaires devant les atteintes aux biens (18 % de vols, en baisse, et 8 % d'actes de vandalisme). L'Ordre recense par ailleurs une quarantaine de falsifications d'ordonnances.
S'agissant des quelque 200 vols, les objets les plus précisés par les délinquants sont l'ordonnancier (85 cas), la sacoche/portefeuille (36 cas) et les tampons professionnels. Mais la liste des larcins fournie par l'Ordre est longue : chéquier, plaque, caducée, matériel informatique, échographe, médicaments…
Quant aux 78 agressions physiques déclarées en 2018, ce sont très majoritairement des coups et blessures volontaires (66 cas) mais aussi quelques agressions sexuelles, des crachats et des séquestrations. Dans 5 % des cas, l'incident a occasionné une interruption de travail (généralement inférieure à trois jours).
Le milieu rural pas épargné
Si les violences se situent en majorité en centre-ville (54 %) ou en banlieue (20 %), l'Ordre relève un rebond d'événements en milieu rural en 2018 (17 % contre 13 % un an plus tôt). Ainsi quelque 200 incidents ont été notifiés à la campagne alors qu'il y en avait une centaine en 2012.
Quant au mode d'exercice de la victime, il s'agit de la médecine libérale dans huit cas sur dix (principalement au cabinet), le reste des incidents se répartissant entre les établissements publics et privés (11 %) ou un autre cadre (salarié, absence de réponse).
Comme l'an passé, les principaux motifs avancés (en dehors du vol) relèvent de l'exercice : le plus souvent un reproche sur la prise en charge (31 %), un refus de prescription de médicament ou d'arrêt de travail (16 %) ou un temps d'attente jugé excessif (11 %). L'Observatoire énumère de nombreux autres cas de figure (à chaque fois une douzaine de déclarations) : retard du patient, décision médicale contestée, délai de rendez-vous trop lointain… Le refus de payer la consultation est cité dans 25 déclarations. En revanche, l'état d'ébriété, de manque ou le racisme sont quasiment absents des motifs invoqués.
Même si l'Ordre invite les victimes à déposer plainte systématiquement, quel que soit l'incident, c'est encore loin d'être le cas. Seuls 34% des médecins ont choisi cette option (et 12% une main courante), plus de la moitié des praticiens agressés ne faisant aucune procédure. Les plaintes sont toutefois très fréquentes en cas de vol (86%) ou d'agressions physiques (62%).
*Recensement national des incidents (CNOM). Fiches 2018, du 1er au 31 décembre.
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