Signature de deux accords malgré les critiques

Assistants médicaux, CPTS : les réformes Macron arrivent en ville

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Publié le 20/06/2019
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Alors que l'hôpital gronde avec la fronde des services d'urgences, Agnès Buzyn voit l'horizon s'éclaircir en ville avec deux réformes importantes désormais sur les rails. 

Après quatre mois de négociations jalonnées de séances parfois tendues, le « round » sur les assistants médicaux (avenant n°7 à la convention médicale) et les communautés professionnelles territoriales de santé (accord conventionnel interprofessionnel – ACI – sur l'exercice coordonné et le déploiement des CPTS) prend fin ce matin avec la séance officielle de signature des deux textes au siège de la CNAM.

À ce stade (mardi soir), après consultation de leur base, trois syndicats de médecins libéraux (MG France, CSMF et SML) avaient accepté de parapher ces deux accords qui marquent un possible tournant dans la réorganisation des soins de ville. La FMF, très réservée, devait se prononcer hier et Le BLOC, majoritaire dans les spécialités de plateaux techniques, samedi prochain – sans pouvoir faire barrage à ces réformes.   

De 15 à 20 % de temps médical libéré

Dans des registres différents, ces deux réformes visent à répondre aux demandes de soins de la population dans un contexte de forte tension de la démographie médicale et de pression croissante des élus pour des solutions rapides. 

Ainsi, l'une des priorités de la stratégie « Ma santé 2022 » est de libérer du temps médical en incitant les praticiens à recruter des assistants pour les épauler, dès la rentrée prochaine. Mi-secrétaires, mi-aide-soignants, ces auxiliaires déchargeront les médecins volontaires de certains actes simples, tâches administratives ou missions de coordination. Ce dispositif, réclamé hier par les syndicats mais aujourd'hui critiqué pour sa complexité, pourrait selon l'exécutif libérer 15 % à 20 % de temps médical… L'assurance-maladie versera aux praticiens employeurs une subvention dégressive de 36 000 euros pour un temps plein la première année, 27 000 euros la deuxième et 21 000 euros la troisième année et les suivantes – à répartir entre deux ou trois médecins (sauf dans les zones fragiles où le recrutement d'un assistant par un médecin seul sera autorisé).

En échange de ces aides au recrutement, la CNAM a obtenu de la profession l'augmentation du nombre de patients reçus (patientèle totale médecin traitant pour les généralistes ou file active pour les spécialistes), dans des proportions variables – jusqu'à 35 % de patients supplémentaires. Autre condition : la participation à un « exercice coordonné » (maisons de santé, équipe de soins primaires, équipe de soins spécialisés et réponse collective notamment au sein de CPTS).

Exit l'exercice en solo

Mettre fin à l'exercice médical isolé : c'est le volet complémentaire de cette restructuration des soins primaires qui suppose l'engagement des médecins dans un exercice coopératif, y compris à l'échelle territoriale au sein des fameuses CPTS. Le gouvernement espère au moins un millier de ces collectifs de libéraux à l'horizon 2022. 

Cet engagement dans la coordination interpro sera lui aussi soutenu financièrement, comme le prévoit l'ACI. La CNAM versera à chaque CPTS de 220 000 à 450 000 euros par an, en fonction de la population couverte, mais aussi des résultats obtenus dans la réalisation des différents objectifs (accès au médecin traitant, prise en charge des soins non programmés, organisation de parcours pluripro, prévention mais aussi missions optionnelles autour de la qualité des soins par exemple). En pleine crise des urgences, l'exécutif espère mobiliser fortement la médecine libérale dans l'organisation des soins non programmés. 

Feu vert ne veut pas dire appropriation

Sur ces deux dossiers délicats, les signatures syndicales constituent une bonne nouvelle pour Agnès Buzyn. La ministre de la Santé a déjà annoncé la mise en place des deux accords « dès cet été, progressivement sur tout le territoire ». Reste à savoir si les médecins libéraux joueront le jeu des assistants et des CPTS. Plusieurs sondages récents ont montré leur profond scepticisme et les syndicats signataires eux-mêmes n'ont pas débordé d'enthousiasme, jugeant les dispositifs complexes, bureaucratiques et sous-financés.

« C'est très loin d'être parfait, il faudra ajuster les textes », prévient déjà le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Pour le SML, « tout commence ». « Si dans un an, on voit que cela ne marche pas, il faudra changer », confie le Dr Philippe Vermesch, président du SML. L'enjeu sera de démontrer aux médecins que « ces dispositifs leur rendent service », ajoute le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. La FMF a jugé ces textes « trop technos ». Quant au BLOC, son co-président estime que « ce n'est pas la création des CPTS qui va désengorger les urgences »…

Qu'importe. Le gouvernement pourra se prévaloir d'une dynamique engagée avec la profession à l'heure où, parallèlement, l'examen parlementaire du projet de loi de santé montre la volonté de nombreux députés et sénateurs d'instaurer des mesures contraignantes.

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin: 9759