Chez la quasi-totalité des Européens, l’exposition au bisphénol A est supérieure aux niveaux de sécurité sanitaire

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Publié le 14/09/2023

Crédit photo : VOISIN:PHANIE

L'exposition de la population européenne au bisphénol A (BPA) « est bien supérieure aux niveaux de sécurité sanitaire acceptables (…), ce qui représente un risque pour la santé de millions de personnes », alerte un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), publié le 14 septembre.

Ce perturbateur endocrinien a été retrouvé à des seuils jugés nocifs pour la santé dans les urines de 92 % des Européens testés, avec des variations de 71 % en Suisse à 100 % en France, au Luxembourg et au Portugal.

Utilisé massivement dans de nombreux produits de consommation, le BPA est classé comme produit chimique dangereux dans l’UE en raison de ses effets sur la santé : perturbation endocrinienne, baisse de la fertilité, lésions oculaires, réactions allergiques cutanées ou encore irritation respiratoire.

À mesure qu’ont émergé des inquiétudes à son sujet, des substituts - les bisphénols S (PBS) et F (BPF) - ont été utilisés avec des finalités similaires : plastiques, matériaux en contact avec les aliments et papier thermique (utilisé notamment dans les tickets de caisse). Si le premier est classé comme substance extrêmement préoccupante en UE, ce n’est pas encore le cas du second, bien qu’il soit également suspecté d'avoir des propriétés de perturbateur endocrinien.

Un seuil de toxicité divisé par 20 000

En avril dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a réévalué la dose journalière de BPA considérée comme sans danger pour la santé. Le seuil est ainsi passé de 4 microgrammes par kilogramme de poids corporel et par jour à 0,2 nanogramme, soit une valeur 20 000 fois inférieure. Ce seuil est toutefois contesté par l'Agence européenne des médicaments (EMA).

Pour évaluer le niveau d’exposition des Européens à partir de ce nouveau seuil, l’AEE s’est appuyé sur les dernières données de biosurveillance humaine du projet européen HBM4EU, mené de janvier 2017 à juin 2022. Le bisphénol A et deux autres bisphénols utilisés comme substituts, les bisphénols S (PBS) et F (BPF) ont été mesurés dans les urines de 2 756 adultes de 11 pays (Croatie, Tchéquie, Danemark, France, Finlande, Allemagne, Islande, Luxembourg, Pologne, Portugal et Suisse).

Résultat : pour le BPA, le niveau de dépassement variait entre 71 % et 100 %, avec une moyenne à 92 %. Ces dépassements sont des « chiffres minimaux », avertit l’AEE. « Il est probable qu'en réalité, les 11 pays présentent des taux de dépassement de 100 % des niveaux d'exposition supérieurs aux seuils de sécurité ». Concernant les BPS et BPF, ils ont été détectés, respectivement, dans les urines de 67 % et 62 % des adultes participants de 10 pays européens. « Bien que les échantillons les plus récents dépassent toujours les seuils de dangerosité, il semble y avoir une tendance vers une diminution des niveaux de BPA urinaire et une légère augmentation du bisphénol S », est-il relevé avec prudence.

Des mesures pour limiter l’exposition

Le BPA « présente un risque beaucoup plus répandu pour notre santé qu’on ne le pensait auparavant. Nous devons prendre au sérieux les résultats de ces recherches et prendre davantage de mesures au niveau européen pour limiter l'exposition aux produits chimiques qui présentent un risque pour la santé », prévient Leena Ylä-Mononen, directrice de l’AEE.

Dans certains pays, et notamment en France, le BPA est désormais interdit dans les contenants alimentaires. Et d'autres mesures de limitation des expositions sont à l'étude dans l'UE. Dans le cadre du règlement Reach, les autorités françaises et suédoises proposent de restreindre l'utilisation de plus de 1 000 produits chimiques sensibilisants pour la peau dans les vêtements, chaussures et autres articles ayant un contact cutané. Les bisphénols classés comme sensibilisants cutanés seraient concernés. La Commission européenne a publié récemment son intention de proposer une interdiction de l'utilisation intentionnelle du BPA pour les matériaux en contact avec des aliments.

La Commission travaille par ailleurs à nouvelle approche de la gestion des risques liés aux substances chimiques. Elle vise à sortir d’une gestion des substances au cas par cas pour aller vers une gestion à partir de classes de danger et à lister les plus préoccupantes. « Plutôt que de débattre sur le niveau autorisé de telle ou telle substance et de demander des lois au Parlement pour chaque substance, il s'agirait d'avoir des principes clairs, reposant sur la classe de danger, en interdisant par exemple tous les cancérigènes dans les produits du quotidien », a expliqué au Quotidien Rémy Slama, directeur de recherche à l'Inserm.


Source : lequotidiendumedecin.fr