De nouvelles recommandations pour harmoniser les pratiques et un travail de terrain pour accompagner les équipes : l'Agence de la biomédecine (ABM) redouble d'efforts pour développer la greffe avec donneurs vivants.
L'objectif (fixé par le plan 2022-2026) : que 20 % des greffes rénales soient réalisées avec un greffon issu d'un donneur vivant en 2026, contre 15 % aujourd'hui. « Les premiers indicateurs d'activité répondent à nos attentes. Mais c'est très fragile : l'hôpital est en souffrance, le taux d'opposition des familles reste haut. Nous devons donc développer toutes les sources de greffons », commente le Pr Michel Tsimaratos, néphrologue et directeur général adjoint à l’ABM, lors d'un point presse le 28 septembre, à l’issue des Assises de la Société francophone de transplantation. Les greffons issus de donneurs vivants ont en outre une meilleure survie à 10 ans, de 72 à 75 %, versus 55 % pour ceux issus de donneurs décédés.
La tendance au don d'organe est favorable avec des chiffres à la hausse. En 2023, il y a déjà eu 354 greffes rénales issues de donneurs vivants, soit 26 de plus que sur toute l'année 2022 (+7,3 %) et 313 greffes issues de donneurs décédés après arrêt cardiaque dans le cadre Maastricht 3 (limitation des thérapeutiques), soit 40 de plus que l'an passé (+ 14,6 %). En comptant celles réalisées grâce aux donneurs en état de mort encéphalique, les huit premiers mois de 2023 affichent 156 greffes supplémentaires par rapport à 2022. « Mais il y a encore une différence de 2 000 entre les nouveaux inscrits sur la liste d'attente (5 260 en 2022) et les greffes réalisées (3 377) », rappelle le Pr François Kerbaul, directeur du prélèvement et de la greffe à l'ABM.
Élargir le nombre de patients éligibles
Les nouvelles recommandations de l'ABM, dont la publication est prévue en fin d'année et qui sont en cours de validation, ont été présentées dans les grandes lignes. Elles se veulent une aide à la décision pour élargir le nombre de donneurs éligibles en acceptant des profils plus âgés ou présentant des comorbidités. Par rapport aux précédentes de 2009, elles modulent les critères d'éligibilité en fonction de l'âge du donneur et de son espérance de vie. « Le donneur de 30 ans n'est pas le même que celui de 60 ans. L'idée est d'éviter les contre-indications absolues et d'étudier le risque d'un patient au cas par cas », résume la Dr Myriam Pastural, néphrologue référent greffe rénale à l’ABM. « Jusqu'à présent on avait des critères stricts sur le débit de filtrat glomérulaire, à 90 millilitres de sang par minute. Si ce seuil reste valable pour les jeunes, on doit l'adapter en fonction de l'âge, puisqu'à partir de 40 ans, il est normal qu'il baisse », illustre-t-elle.
Il est aussi rappelé qu'un antécédent de cancer ne doit pas conduire à évincer systématiquement un candidat donneur - même si un bilan de dépistage est recommandé, avec une mammographie dès 40 ans pour les femmes. Cas particulier : le cancer de la prostate traité par surveillance active, très localisé, n'est pas une contre-indication, pas plus que les infections par le VIH, VHB ou VHC, dans le cadre de greffes dérogatoires.
Le parcours du don est formalisé : il doit durer 3 à 6 mois pour tous les donneurs ; la sollicitation d'un deuxième avis est encouragée (des équipes sont plus expertes que d'autres dans le don vivant) ; les risques chirurgicaux, médicaux, psychologiques et sociaux à communiquer sont listés. Les services de transplantation sont invités à avoir un psychologue clinicien référent et à recourir à des scores d’évaluation harmonisés pour identifier les personnes à risque psychologique ou social post-don. Il est enfin conseillé de faire appel à la génétique, par exemple pour identifier la maladie d'un insuffisant rénal ou dépister un risque chez un candidat apparenté.
Favoriser le don croisé
Les recommandations se positionnent clairement en faveur du don croisé. « Dans 40 % des cas, le couple est incompatible en HLA, et il n'est pas recommandé de désensibiliser certains receveurs âgés. Alors il faut aller vers le don croisé », exhorte la Dr Pastural. Ceci, d'autant que la loi de bioéthique de 2021 a élargi le nombre de paires à croiser, de deux à six.
Seulement quatre greffes ont été réalisées dans ce cadre en 2022, ce qui s'explique par la lourdeur des procédures - cela suppose une vraie coordination entre services à l'échelle nationale, des transports aériens pour réduire la durée d'ischémie -, parfois par la réticence des familles.
Pour aider les 33 équipes à développer le don issu de vivant, l'ABM a confié au Dr Laurent Durin une mission d'appui. « La plupart ont la volonté de développer cette source de greffon, mais les pratiques sont hétérogènes en fonction de l'importance des besoins, de l'accès à la greffe, de la présence de praticiens motivés », constate cet urgentiste formé à la santé publique. « Sans oublier les difficultés de l'hôpital en termes de temps, de ressources humaines ou d'accès au bloc opératoire qui se sont aggravées depuis 2019 ».
Le Dr Durin a déjà pris attache avec les CHU de Clermont-Ferrand, Besançon, Dijon, Nice, Rennes, Angers, Lille, et même Marseille, qui fait partie des sept équipes au-dessus de 20 % de greffes rénales issues du vivant, pour s'en inspirer. « Nos premières pistes consistent à développer la sensibilisation à l'échelle des réseaux de néphrologie, à former les chirurgiens et à encourager les réunions intercentres », indique-t-il.
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